eorges Bush Jr. promet, dans ses discours électoraux la
« réintroduction des principes bibliques » qui ont donné à l'Amérique ses
fondements, tant au plan spirituel que moral. Ce programme passe bien sûr par la
systématisation de la peine de mort, la restauration des valeurs patriotiques et
familiales ; et sans doute la lutte contre la pornographie et la
drogue sauf bien sûr la drogue télévisuelle.
Bref, tout va bien : un télé-évangéliste postule à la présidence de
l'État le plus puissant de la planète !
Pendant ce temps, combien de détenus attendent dans les couloirs de la
Mort les sinistres « Death Row », sans que la conscience
morale des classes moyennes en soit quelque peu perturbée. Tuer les pauvres, ou du
moins les enfermer, parfois en attente de la dose létale, devient de plus en
plus la méthode privilégiée pour résoudre la question sociale. L'exemplarité des
peines est considérée par les juges U.S. comme le remède à toutes les turpitudes dont
les pauvres sont capables. L'incarcération des mineurs, bien connue pour ses vertus
éducatives, bat tous les records. Parfois, on tombe dans le grotesque. Ainsi, d'après Libération
(05/11/99), l'âge moyen des suspects de terrorisme tend à s'abaisser puisqu'un
collégien de 13 ans a été incarcéré pendant six jours. Qualification de
l'infraction : apologie du meurtre, en l'espèce évocation (littéraire)
du massacre de Littleton. Modus operandi et arme du crime : utilisation d'un
stylo et de papier ! De quoi exciter la conscience morale du sheriff de
Ponder (Texas). On se demande bien d'ailleurs à quoi cela peut ressembler PONDER-TEXAS.
Bref, au Texas on ne plaisante pas avec les criminels, sans considération pour
leur âge ! La vermine crypto-terroriste doit être matée !
On savait déjà les U.S.A. osciller entre la Paranoïa la peur du complot
rouge, black ou islamiste et le grotesque. Là c'est le grotesque qui
l'emporte.
Le même grotesque qui a récemment inspiré quelques fortes pensées à John Mc Enroe.
D'après celui-ci, l'infiltration communiste a trouvé une nouvelle
cible : l'association des tennismen professionnels (A.T.P.) qui est une
organisation « authentiquement communiste », à l'image de la Corée du
Nord ! Incroyable ! Mais que fait donc la C.I.A. ?! De
quoi, dans un climat de guerre froide, faire trembler toutes les crevures bon
chic bon genre qui constituent le public de Roland Garros !
Alors même si le sport est contaminé pas par le fric, car le billet vert
c'est clean où va la civilisation occidentale ? Comptons sur
la thérapie de choc de Bush Jr.. Avec quand même des risques de « dommages
collatéraux » !
Reste que, derrière ce déferlement typiquement américain d'hypocrisie moraliste et
de bonne conscience, il est une question non dénuée d'intérêt. La religion fait
partie de la conscience américaine. Elle en constitue un des mythes fondateurs. In god we
trust !
Sur ce terrain, les choses ne s'arrangent guère
En Arkansas ou
ailleurs, au nom des valeurs chrétiennes et familiales, on expurge les manuels
scolaires. Darwin sent le souffre et les créationnistes de tout poil reprennent
l'offensive. Cette offensive de la « Majorité morale » n'offre rien de très
nouveau. Même si l'imbécillité des classes moyennes peut être dangereuse !
Ainsi Tocqueville (De la Démocratie en Amérique) avait déjà relevé le danger
de despotisme contenu dans le système démocratique U.S..
« La pensée est pouvoir invisible et presque insaisissable qui se joue de toutes
les tyrannies. » Du moins était-ce et c'est encore le cas en Europe. Mais beaucoup
moins en Amérique où la tyrannie de la majorité s'exerce dans le silence. Dès que la
majorité a arrêté son opinion, selon Tocqueville, il n'y a plus qu'à se taire. En
clair, le « politiquement correct » n'a pas été inventé dans les
années 80. L'indépendance d'esprit et la liberté de discussion sont absents de ce pays.
Ce qui était vrai en 1835 l'est encore plus aujourd'hui, où la tyrannie de la majorité
dispose de tous les relais de communication électronique, et où la pression sociale
du conformisme bat tous les records.
Ainsi poursuit Tocqueville, « En Amérique, la majorité trace un cercle
formidable autour de la pensée. Au-dedans de ces limites, l'écrivain est
libre ; mais malheur à lui s'il ose en sortir. Ce n'est pas qu'il ait à
craindre un autodafé, mais il est en butte à des dégoûts de tout genre et à des
persécutions de tous les jours. »
En clair, si la Démocratie n'élimine pas ceux que l'on peut qualifier de dissidents
(quoique
), elle entend les réduire au silence. Il serait malvenu de ne pas
suivre la voie du troupeau
Il y a là un léger « problème » dirons-nous : l'exercice formel des
libertés ne correspond plus à leur mode d'exercice réel. Dans les faits, la
Démocratie peut perfectionner les instruments de la Tyrannie. L'ancien despotisme se
contente d'instruments grossiers. Silence on tue ! Le nouveau despotisme
U.S., en version soft et consensuelle, attaque la conscience, prive
l'esprit de ses défenses immunitaires via C.N.N. ou M.T.V. ! L'idée si
démocratique de progrès a engendré de curieux bâtards, qui relèvent au mieux de
la tératologie !
Il reste que l'Amérique ne s'identifie pas tout à fait à la mass culture, aux
sous-produits d'un capitalisme plus ou moins décadent. Il existe là-bas ce que l'on peut
appeler une « culture de résistance » qui nous apporte aussi la dose minimale
d'oxygène celle sans laquelle on ne peut survivre au milieu des fumées
toxiques. Une autre Amérique, en quelque sorte
On y reviendra