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  Vlad Vlad  
 

Radio Ethiopia.

 
 

Daté 19/03/2001.

 

 

    

n 1855, Theodoros fut couronné roi d’Éthiopie. Il bénéficiait d’une prophétie tirée d’apocryphes du XVIème siècle qui le consacraient à la fois comme fléau de dieu et instrument de sa miséricorde. Son avènement devait marquer la fin des haines et des discordes, l’instauration de la paix. La prophétie s’avéra fausse et l’histoire finit dans le sang...

 Le roi établit dans sa citadelle de Magdalâ le dépôt de ses trésors. Il fit régner sa justice à coup de sabres, à coup de lances, à coup de fusil. La prophétie devait-elle se réaliser ? Comme le dit un proverbe éthiopien, « le jour finit par arriver où la citadelle croule. »

 Il vint un jour où le roi prit goût aux supplices. Il faut dire que, face au chaos, le roi n’avait pas le choix. Proscrire et tuer, incendier les maisons où, comme une fois, mille sept cent prisonniers avaient été enfermés. Des soldats armés de lances et de fusils les empêchaient de fuir; dans la fumée et bientôt l’odeur de chair brûlée. Le roi à son avènement avait pu être aimé mais, maintenant, venait le temps de la colère. Celui du jugement. Le roi était pris en aversion. Une complainte écrite en amharique décrit ses exactions : les soldats du roi tuent, égorgent le bétail, pillent le grain. le peuple des hauts plateaux d’Éthiopie n’a plus qu’à dire « saccagez nous aussi les entrailles, à fin que j’aie aussi la paix ! »

 Le Roi fait razzier les récoltes, tuer les opposants. Tous les produits de ses pillages furent entreposés dans la citadelle de Magdalâ : les croix et l'or, les trésors des églises, les soieries, les manuscrits précieux, par centaines… La chronique de Théodoros II écrite par Walda Maryam (1) nous parle d'autres cas meurtriers !

 Le roi devint d'une cruauté inouïe, tout contradicteur devait être passé au fil de l'épée.
Mais le roi commit une erreur fatale : s'attaquer aux européens, sans avoir assuré ses arrières ! ce qui lui aurait peut-être évité la défaite. Les éthiopiens sont un peuple courageux, ce qu'ont pu apprendre les chiens colonialistes italiens lors de leur mémorable dérouillée d'Adoua ! Theodoros fit mettre aux fers les blancs et proposa un marché au Sel'tan des troupes anglaises qui était venu lui régler son compte. Les présents —du bétail volé— ne furent point acceptés. Puis, nous dit la chronique, dans la nuit qui suivit, « la nuit fut entourée d'un nimbe qui ressemblait à du sang, ce qui parut être le présage de la fin du Roi ».

 Les éthiopiens avaient pour eux leur courage, leurs vieux fusils et leurs lances ; les anglais, leurs canons à tir rapide. La gueule des canons fut braquée sur Magdalâ ! Ses troupes anéanties, le Roi « n'ayant plus personne à qui lui obéir, errait comme un homme ivre ». il tua encore deux anglais, en attendant l'heure où il devait mourir ! Les obus anglais eurent raison des portes de Magdalâ. Mais Theodoros « jugea qu'il valait mieux mourir que de tomber prisonnier, et se condamnant lui-même, (…), il se fit sauter la cervelle d'un coup de pistolet. »

 Le Roi d'Abyssinie entra dans la légende. Cela se passait, dans le vieux calendrier éthiopien en l'an 7360 (1868).

 Il y a l'Éthiopie réelle et l'Éthiopie mythique…
À L'Éthiopie mythique se rattachent les croyances de ceux qui ont pour emblème le lion de Juda et ses couleurs : le vert, le jaune, le rouge. Les couleurs du culte rasta, où, à coups de chalice, la communication directe avec Jah permet aux descendants des esclaves de se libérer de l'oppression de Babylone. Comme pour rétablir le lien avec l'Afrique perdue, il s'agit ici pour un peuple de récupérer sa mémoire, même si elle est mythifiée. Pour cela, sur la bande-son, il y a le rythme lourd des tambours Nyabinguis —le retour aux racines en quelque sorte. Ou le son hypnotique de la basse, cette basse dont les pulsations cognent directement au cœur, base du reggae sound. Merci à Lee « Scratch » Perry, le vieux sorcier qui inventa le Dub ! Le reggae, quand il est authentique, nous dit qu'il y a la guerre à Babylone et, d'une certaine manière, nous le pensons.

 Même si pour nous, Haïlé Sélassié n'est pas une sorte de dieu vivant, mais un imposteur. Même si la bible et ses livres apocalyptiques, bible des rastas, nous semblent un tas d'inepties. Nous exécrons tout autant le racisme des petits-blancs vis-à-vis des noirs que le racisme anti-blancs de certains africanistes ! Disons qu'être politiquement correct ne fait pas partie de nos préoccupations. Quant à l'aliénation mystique, sous toutes ses formes, elle nous insupporte ! Bon, mais après tout, les rastas nous semblent quand même plus cool que les sectes black muslims du genre Farrakhan. Nous n'aimons pas les idéologues suprématistes, quels qu'ils soient !

 À propos des rastas, nous avons relevé une histoire qui nous plait dans un livre de Nick Cohn déjà évoqué dans ces chroniques. L'histoire d'un rasta qui, à Londres, Hyde Park Corner, revendique la restitution des trésors pillés par les anglais à Magdalâ : « dix mille manuscrits sacrés, lingots d'or, bijoux, disséminés à Oxford, Cambridge, au château de Windsor, au Victoria & Albert Museum. » L'Angleterre coloniale a massacré les éthiopiens avec ses fusils à répétition ; elle leur a aussi volé leur mémoire comme l'ont fait les autres chiens de guerre : italiens, français, belges ou russes, vis-à-vis d'autres peuples. Les blancs ont justifié leurs massacres au nom de leur civilisation mais, autant le rappeler, le colonialisme est la loi de la mort, du pillage puis de l'oubli ! L'Afrique ne s'en est toujours pas relevée. Quant à nous, nous ne croyons pas au caractère sacré de Ras Tafari, ni aux prophéties de Marcus Garvey, même si Burning Spear, entre autres, nous semble hautement recommandable. Disons cependant que le combat du rasta McLean nous semble digne de respect, même s'il paraît douteux que l'Angleterre restitue ce qu'elle a pillé ! Nous pouvons respecter les rastas car leurs mythes sont aussi porteurs de rébellion. Il y a cependant des limites à la notion de respect ! Pas de respect pour les tueurs, pour Babylone, sa voracité, son culte de l'argent-roi. Pas de respect pour cette putain vérolée dont on attend qu'une seule chose : qu'elle crève ! Sans trop d'illusions cependant, car une telle agonie risque d'être longue !

(1) Chronique de Theodoros II, roi des rois d'Éthiopie, Éditions Mots, 1982.
    

 
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