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32°C.
On crevait de chaleur sur l’autoroute. Il y avait ce ciel plombé,
noir, zébré d’éclairs, au fond sur les plaines.
Et, en arrière plan, dans le mental, trop d’insomnies ou de
sommeil chimique —juste assez pour avoir la dose de cauchemars
nécessaire. Avec un réveil direct à trois heures
du mat’ en version électrocutée. Qu’importe. T’es là,
sur l’autoroute, et il y a bien ce qui ressemble à un sentiment
de liberté. La nuit tombait, en ce 24 juillet 2001, quelque
part en Europe.
La
seule utilité du voyage, même s’il peut être tuant
et morne, cela fonctionne ainsi : prendre (un peu) de distances
face à soi-même et aux autres. Ici, dans ce nœud d’autoroutes,
il était l’heure de se demander ce que l’on recherchait. Des
lieux improbables où il était plus facile (tu parles !)
de se demander où on allait —nulle part sans doute. Sinon,
dans un accès de romantisme noir, d’en arriver au constat de
l’inéluctable : ce qui était n’adviendra plus.
« On ne descend jamais deux fois le même fleuve »,
et alors ? pourvu que la douleur se calme. Toujours ça
de gagné.
Provisoirement…
Quelques
illusions de moins, c’est toujours bon à prendre. Il fallait
juste trouver le décor et, pour cela, les kilomètres
d’arcades des rues de Bologna, sous un violent orage d’été,
n’étaient pas ce qu’il y avait de pire.
Nous
aimons les cités-labyrinthes ; car l’image du labyrinthe
nous renvoie à nous-mêmes ; aux visions d’un
combat, parfois meurtrier, à la recherche du fil conducteur,
le fil d’Ariane, histoire de déjouer le piège des monstres.
Le problème est qu’Ariane est perdue et qu’il n’y a plus de
fil conducteur…
Rien
de très grave. Il suffirait de marcher éveillé,
sans trop se perdre dans les fantasmagories de l’Ombre ; celles
d’un décor d’Apocalypse, signé par un peintre anonyme
du XVIIème s., plus ou moins oublié. Rien à foutre
du Ciel. Là, c’est l’Enfer.
Tout
cela aurait pu nous rendre tristes. Mais la ville, dans son décor
théâtral, d’orage, de feu et de nuit, nous offrait le
meilleur.
C’est à dire rien !
Peut-être
n’étais-je là qu’à poursuivre des fantômes,
dont je connaissais les noms, réactivés par différentes
substances, comme un texte occulté réapparaît
sur un palimpseste : images de celles que tu aimas, disparues
et figées dans un moment qui ne peut s’abolir.
Tout cela n’est pas grave ; Aurélia est perdue à
jamais ; sombrer dans le chaos ne sert à rien. Il
faut se libérer de la maladie du souvenir.
Même si cela est douloureux.
C’est
beau, l’immédiat. Même si l’on a parfois des difficultés
à y croire. Le Hasard n’est pas forcément meurtrier.
Fortuna imperatrix mundi.
Il y eu le sourire de cette fille, Piazza di nettuno, j’étais
là pour ça, après tout. Après, il y eut
la poussière du jour, le fracas des camions sur l’autoroute.
Pourquoi
avoir peur ? Il faut continuer, tout en sachant qu’à tout
moment le fin peut advenir, brutale, calme, sanglante, on ne sait
plus, la passion seule peut nous sauver, avant d’aller droit au Néant.
Qu’importe. Je t’aime ; tout en sachant que je ne te reverrai
jamais.
Donne-moi ta force. Un jour, peut-être, il y aura l’aurore…
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