Scorpion Violente journal de bord III


Autre chose amusante liée à la rigueur typiquement suisse : quand ils te disent que le lendemain tu peux dormir tranquillement jusque à peu près 13h, j’ai tendance à comprendre que je peux dormir tranquillement jusque 13h, littéralement.

Or, l’implicite suisse est qu’à 13h, tu as déjà fait ton caca du jour, coupé tes ongles des pieds, rangé tes instruments, dis au revoir.

Être réveillé par une voix alarmée à 12h59, et devoir déféquer devant la magnifique demoiselle qui allait devoir nettoyer les toilettes juste après était un tantinet difficile psychologiquement pour moi.
J’aurais préféré partir sur un sourire sensuel en disant d’une voix de velours « j’ai vidé le bordel de la chambre et défait les lits pour te faciliter le travail ».

Dire à la place « j’ai brossé le fond de la cuvette » avec un clin d’oeil m’a semblé étrangement moins classe.
Mais un petit regard sur le lac après avoir rangé les instruments avec une efficacité à rendre jaloux un russe autiste fan de tetris a momentanément effacé cet épisode de ma mémoire déjà défaillante.

Et j’ai fait pénitence en mangeant un piment puissant à vous irriter l’anus au premier regard pour être certain de souffrir au moins autant qu’elle pour le restant de la tournée.

Beaucoup de choses intéressantes, bien que la plupart du temps plutôt triviale, se sont passées dans les toilettes italiennes, outre le fait que j’ai réappris à faire mon affaire dans des chiottes turques..

J’aurais aimé plus parler de musique et moins de caca. C’est déjà trop tard pour ça.
Le but premier était de faire un journal quotidien, mais bon, être le connard du coin de la pièce avec le laptop sur la table et l’air concerné de rigueur est une chose dont j’ai décidé de me passer.
Ca n’a pas changé grand chose à ma vie, mais au moins j’ai su fuir un des stigmates de la connardise absolue (du mondeum) (merde, y en a même qui osent faire ça carrément sur scène!)

Bref, tout a commencé dans l’air pur de la Suisse, dont le ton ambiant était annoncé par une inscription (sur une brosse à chiotte, désolé, c’est sa faute, pas la mienne) qui disait plus ou moins « utilisez moi : imaginez vous à la banque, vous n’aimeriez pas que la personne suivante sache ce que vous venez de faire ? Et bien ici, c’est la même, gardons nos petits secrets pour nous »… Doit-on voir une relation entre cette brosse à chiotte et une petite parenthèse de l’histoire qui, tel un pet trop chargé, laisse des traces de freins au fond des consciences, et visiblement de certains comptes en banques ? En lisant entre les lignes de caca, certains messages se révèlent.

Mais quelques montagnes plus loin et déjà l’odeur de sainteté et de Pento chassait de nos mémoires olphactives les relents asceptisés de belle Suisse.

Le summum de la rébellion vestimentaire en Itale semble être de ne pas repasser sa chemise deux fois par jours.
Je suppose qu’il doit y avoir des prisons pour les gens comme nous là-bas.

[Tony, un charmant jeune homme rencontré à Rome a essayé de me faire lire une inscription sur son pénis, mais j’ai l’impression que c’était une feinte. Ou c’était vraiment écrit très petit. Et il faisait sombre.
Et mes amygdales ont la vue qui baisse avec le temps.
Et je veux juste oublier.
Tony wants a blowjob, voici le message qu’il m’a demandé de diffuser après cette tentative infructueuse, ce qui en dit potentiellement long sur l’analogie entre nos vies sexuelles respectives.]