le temps des colonies


je bouge vers 1 heure. Deux espagnols qui cherchaient la fête me suivent. On marche vers les basses jusqu’au Cabaret Sauvage. Devant l’entrée un mec sous md nous tombe dessus. Il tient pas debout et s’écrase contre la grille. Ses copains le ramassent. Il essaye de rigoler mais il tient pas cinq secondes, son rire se casse la gueule aussi. Deux grosses locks sortent de son bonnet. Il gémit et se prend la tête à deux mains comme si il voulait la dévisser. Ça a l’air douloureux. Je dis au revoir aux deux gars qui ont pas de tickets. L’escalier sent le vomi. A l’intérieur c’est la foire aux percings, je me calle derrière un type aux lobes dilatés, les trous font au moins cinq centimètres de diamètre, je peux voir le dj à travers, c’est 99DB. Je trace à travers une grouille de bras et de têtes en mode délirium. G. et C. sortent des backstages. G. est contente de son interview. On entre facile dans le rythme. Le son est bien dur, ça monte. Il fait hyper chaud. Au bout d’une heure dépenser 5 euros pour un demi ne nous semble plus si accablant. La barmaid met des plombes à nous servir, quand on décolle, je me rends compte que j’ai laissé ma bière sur le comptoir. Je me retourne et je vois le mec qui était derrière moi en train de boire mon verre. La veille j’ai laissé 40 euros sur un distributeur. Je lui explique que je suis pauvre, et que les downloads faciles ont altéré mes réflexes cognitifs, il me fixe avec son air de blaireau. J’essaie de pas l’insulter et je retourne danser la gorge sèche. Crystal Distortion est passé derrière les platines. G. est à donf, elle m’accueille avec des moulinets. C. hoche la tête. Les basses font leur travail. On prend du bon temps malgré les relouds qui nous soufflent dans le dos. Vers 3 heures l’ambiance atteint un seuil pénible, on est cernées par les déchirés. On se replie dans les backstages pour boire un dernier coup avec les Spi. Ils sont en train de discuter avec leurs hôtes, tranquilles, la France a toujours été une bonne terre d’accueil pour eux, ils ont encore un studio de production dans le 18e à Marcadet. E. est là aussi, elle me raconte ses aventures avec CD, « c’est lui qui avait la meilleure drogue, il est trop drôle ». C’est vrai qu’il a l’air de bonne humeur, la soirée est pleine, l’entrée est à 18 euros, il peut se marrer. Je repense au dread lock qui paye sa descente devant la grille pendant que les filles débriefent avec le cameraman. Elles veulent partir, mais E. insiste pour me présenter quelqu’un. J’imagine que c’est le CD en question mais elle revient avec un mec dans les quarante ans, les joues grasses, habillé comme un prof de compta. C’est M., elle me dit, « un homme politique important ». Le gars me colle deux bises et en profite pour me passer une main froide dans le dos. E. veut que je boive un dernier verre avec eux, elle met des morceaux de fruits dans un verre en plastic et me le donne. Il y a un bout de pain qui flotte au milieu. Je commence à fatiguer. Le mélange chemise rayée et sangria crado me pique les yeux, leur conversation est pas très claire non plus, je tiens encore dix minutes et je me casse poliment. Le lendemain E. me dit que main baladeuse est membre du parti anti-sioniste. Elle me montre un clip où il se fait tabasser par des anti-fa avec Dieudonné dans un marché du XXe. C’est la première fois qu’elle me parle de ses convictions politiques. Pas sure que ça arrange vos stats. A la place, je vous mets un morceau de Tolerance, deux Japonais sortis début 80 par Vanity Records (le label de Sympathy Nervous). On peut les télécharger.