je ne me considère pas du tout 
comme ‘dessinateur’, de moins en moins d’ailleurs.


J’écoute un disque de Graham Lambkin et Jason Lescalleet. Je crois que j’ai commencé à écouter les disques de Lambkin et d’Elklink parce qu’un dessinateur m’en a parlé dans les quelques emails qu’on s’est échangés. Il me parlait plutôt de ses dessins d’ailleurs – bref, de toutes façons il a arrêté de répondre à mes emails. Plus récemment, je lisais sur un blog je crois, de la part de Guy Mercier, qu’il ne comprenait pas pourquoi Amateur Doubles de Graham Lambkin lui plaisait autant.

En tous cas, énoncer précisément les raisons qui font que c’est aussi bien est compliqué.

C’est plus facile de pointer les raisons pour lesquelles c’est mieux que, disons, par exemple, un film de Jacques Audiard ou un livre de chez Shelter Press : parce que ça ne relève pas d’une manifestation de l’air du temps, parce que ça ne participe pas fièrement (je n’arrive pas à savoir si c’est de la fierté ou de la stupidité – les deux ?) du système de la réclame, qui n’est lui-même que la part la plus cynique du système capitaliste. Ça n’est pas de la pub, ça n’est pas un produit qui vise à rassurer les gens sur le fait qu’ils sont au bon endroit, qu’ils possèdent les goûts qu’il faut, qu’il adoptent le comportement adéquat, voilà.

Mais je m’égare.

Il y avait aussi quelque chose que j’essayais de formuler hier soir en regardant notre chat, quelque chose à propos de l’équilibre à trouver entre insularité et porosité. Mais je ne suis plus du tout certaine qu’il s’agisse d’une idée valable. Ou encore, je pensais à l’odeur des vibrations – mais je ne sais plus exactement ce que ça veut dire.
Je lis des descriptions et des critiques d’Amateur Doubles, justement, donc je le cherche (sans le trouver) à télécharger. Alors j’envoie un email pour commander Millows. Pour l’instant, personne ne répond.

Quand j’essaie de rassembler mes idées, de me souvenir de ce que j’ai entendu quand j’ai écouté Salmon Run ou Softly Softly Copy Copy, il y a des bruits de ventilation mécanique et de couverts en métal. Je veux dire, c’est de ça que je me souviens, avec aussi des lambeaux de musique classique et le son d’une respiration.
Ca me fait penser : on parlait avec ma mère de la manière dont fonctionne la mémoire humaine, du fait qu’on n’accumule pas les souvenirs comme on le ferait avec des dossiers, rangés dans des tiroirs, mais en fait notre cerveau rejoue pour nous le souvenir, à chaque fois qu’on y repense. C’est une recréation permanente, et non pas des données stockées dans un système d’archives organiques.

(et donc l’idée, dans Fringe, que les personnages de l’univers alternatif prélèvent des morceaux du cerveau de Walter Bishop comme on met la main sur des cds de données, données qu’on pourrait récupérer via un lecteur approprié, apparaît comme une faiblesse de plus dans l’écriture de la série)

Bref, on vient de me répondre (pour l’achat du Graham Lambkin) et j’ai envoyé de l’argent. Je vous tiendrai au courant.

Je finis sur une anecdote comique, quand même :
Mon ami Stéphane s’est rendu la semaine dernière à la librairie BD Spirit, pour y vendre quelques exemplaires d’un livre dont je suis l’auteur. La personne qui tient la boutique, Manuel, lui dit alors qu’il en possède déjà personnellement une copie. En effet, il est voisin du label Ed Banger, et un matin, en passant devant leurs locaux, il a vu mon livre, neuf ou presque, qui dépassait de leur poubelle.

Je n’arrête pas d’y penser. Je trouve ça formidable.
J’imagine que ça me rassure sur le fait que je suis au bon endroit, que j’adopte le comportement adéquat.