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Les misérables |
La rentrée
littéraire des patrons.
Désormais
les patrons font des livres. Barons de presse ou de multinationale,
ils nous accablent de leurs fadaises. Qui entendrait parler de la « philosophie
humaniste » de Jean-Marie Messier ou des goûts musicaux de Bernard
Arnault si ces deux-là ne possédaient plusieurs milliards d’euros ?
Le matraquage médiatique est le droit de cuissage des possédants. Les
journalistes sont leur enseigne lumineuse. Ils les font scintiller,
ils les louent, ils les lèchent. Et se louent de les lécher. Ils vont
gloussant, caquetant, plastronnant. Qu’un éditorialiste paresseux et
nul signe un texte bâclé et niais au service de l’ordre capitaliste,
et le branle-bas des médias salue le génie trop connu. Rodé depuis des
décennies par Alain Duhaminc, ce système mafieux infeste l’air du temps
d’une odeur plus fétide encore que le cigare d’un parvenu moustachu.
Subirons-nous un siècle de plus le règne des prévaricateurs et de leurs
ménestrels qui colonisent les antennes et les ondes pour nous endormir
dans l’éther de la soumission permanente ?
La suite
La grande
récupération.
Désormais,
les patrons raffolent de la contestation. Mais domestiquée par le « débat ».
Quand Philippe Val « affronte » Messier, Vivendi triomphe.
Tolérante et plurielle, douillette et rondouillarde, la « démocratie »
patronale incinère les faux impertinents dans les feux du spectacle.
Un révolté renégat dans un « débat » : le simulacre
pluraliste renaît. La gauche domestiquée consent à contester là où le
discours dominant l’attend. Les misérables se griment en dissidents.
PLPL, tendrement, va leur briser les dents.
La suite
La lutte est acharnée
mais PLPL ne décerne
la laisse d’or qu’au plus servile.
Hervé
Bourges a cessé de diriger le CSA. Après six ans de règne sur cet organisme
de « contrôle » ouaté et bien chauffé, Bourges va éprouver
les rigueurs de l’hiver. Pour éviter que son cou prenne froid, PLPL
lui offre un trophée très convoité : la Laisse d’Or.
Hervé l’a méritée. À l’égal de bon nombre de patrons des médias (Plenel,
July) passés de la révolution à la vénération du capital, Bourges avait
bien commencé. Il avait défendu les combattants algériens quand les
socialistes français leur envoyaient du napalm et des tortionnaires.
Et puis…
Et puis, Hervé a changé. Nommé PDG de la chaîne alors publique par son
amie Michèle Cotta, il va préparer la privatisation de TF1 en lançant
des émissions de propagande néolibérale et de racolage commercial (Ambition
permettra à Tapie de vendre l’« entreprise », Stéphane Collaro
animera des strip-teases dans Coco girls (sponsorisé par Orangina),
Pour Bourges, c’était là « réveiller les esprits avec des formules
inédites, au grand dam des beaux esprits. […] Le téléspectateur
votait avec sa télécommande, la télévision était passée sous le contrôle
de l’opinion » (De mémoire d’éléphant, Grasset, 2000,
p. 396 et 403).
Le 15 avril 1987, quand TF1 est vendue à Bouygues, Hervé, réputé pour
sa fatuité, organise une grande fête en l’honneur du nouveau patron.
Sur des jets d’eau illuminés apparaissent les portraits de Bouygues
et de… Bourges ; c’est le retour de Versailles. Devenu président
de France 2, Hervé censure, « pour des raisons confraternelles »,
la diffusion d’une enquête de Pierre Carles sur la fausse interview
de Castro par PPDA.
Enfin, Mitterrand nomme Hervé président du CSA. Il n’y fait pas grand
chose jusqu’à ce jour récent où, toujours prêt à servir, il autorise
l’absorption de Canal+ par Vivendi. Messier, encore émoustillé d’avoir
mis la main sur le fichier de 4 500 000 abonnés de Canal+,
aurait promis de régler, en personne, une partie du prix de la laisse
de Bourges.