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Fascisme
d’entreprise
Deux
semaines après les attentats du 11 septembre 2001, Arnaud Lagardère,
PDG du groupe Lagardère qui possède une partie importante de l’édition
française (dont Grasset), qui contrôle 49 % des NMPP ainsi
que le JDD, Télé 7 jours, Paris Match, Europe 1,
Elle, etc., envoyait un « message aux salariés du Groupe »
Lagardère media, destiné à tremper la combativité des troupes. On
pouvait y lire : « Nous contribuons à un certain équilibre
qui, lorsqu’il est attaqué, est fragile. Ne vous y trompez pas,
cette attaque [du 11 septembre] porte atteinte aux intérêts,
autant personnels que collectifs, de nous tous. Nos valeurs puisent
leurs forces d’une histoire faite de courage, de conviction, d’initiative,
de réaction. Nous sommes une entreprise libre, appartenant à un
monde libre. […] Vous devez prendre conscience, toutes et
tous, d’avoir un rôle à jouer pour faire en sorte que le monde libre
le reste, pour nous, pour nos enfants. Il n’est pas question de
céder au chaos. Nous rentrons dans une phase de rupture. Dans une
phase d’incertitudes. Chacun, à sa place, doit être conscient de
cela. Chacun doit bien peser ce qu’il peut apporter au sein de sa
famille ou dans son entreprise pour gagner ce combat. »
«
Contre-pouvoir »
« Les
Journaux du Midi » (groupe Midi Libre) viennent de constituer
leur conseil de surveillance. Présidé par Raminagrobis-Colombani,
directeur du Monde, il comprend un échantillon de cette « société
civile » qui, à lire les articles du QVM, conforterait
le « contre-pouvoir médiatique » : Yves Barsalou
(Crédit agricole), vice-président du conseil de surveillance ;
Marie-Louis Antoni (Stampa Europe) ; Philippe Zagdoun (Hachette
Filipacchi Medias) ; Manuel Polanco Moreno (Prisa Presse) ;
Pierre Lamunière (Edipresse) ; Jacques Darboux (Groupama) ;
Georges Cara (Caisse d’épargne) ; Jean-Clément Texier (BNP
Paribas).
(Source : Correspondance de la Presse, 21.01.02.)
Naissance
de l’APPC
L’essayiste
mondain Philippe Corcuff songe désormais à fonder une agence de
presse, l’APPC (Agence de presse Philippe Corcuff). Grâce à son
invention d’une « politique de la caresse » (destinée
aux médias), il peut à la fois chroniquer à Charlie Hebdo
et conseiller la rédaction du Figaro ; saluer les livres
du Roi du téléachat dans Rouge et se faire lécher par le
Quotidien vespéral des marchés (29-30.07.01) ; diriger
la revue Contre-temps et squatter L’Écho des start-up
(02.02.02) ; collaborer à Lyon Capitale et palabrer
sur Eddy Mitchel à « Envoyé spécial ». Pour envoyer vos
dépêches à l’APPC, écrire à politiquedelacaresse@corcuff.com
Eurofolie
Sur
France 2, 1er janvier 2002, David Pujadas est très agité :
« Vous avez été très nombreux à souhaiter les toucher, à
les palper, ces billets. […] À peine minuit passé, on s’est
bousculé aux distributeurs pour avoir le plaisir de recevoir de
la monnaie européenne. »
Sur LCI-Bouygues, Jean-François Rabilloud expliquait : « Évidemment,
on était tous devant nos distributeurs à attendre, pour certains
dès minuit hier. »
Dans le QVM, Éric Le Boucher imagine que, comme lui, les
Français ont « joué avec ces belles pièces étincelantes ».
Puis il triomphe : « L’euro, un bon instrument libéral
de marché : c’est déjà bien. C’est une victoire très importante
pour l’Europe. »
Seul L’Express saura rester sobre en titrant « Vive
l’euro ! »
Marianne
lèche son patron
Marianne
qui avait déjà fait sa « une » sur « Les rebelles »
au moment où Jean-François Kahn, directeur de Marianne, « écrivait »
un livre éponyme, a consacré six pages de son édition du 10 décembre
2001 aux « bonnes feuilles » de Kahn sur Victor Hugo.
Ces pages furent précédées d’un article de Dominique Jamet évoquant
« le livre époustouflant, ébouriffé, échevelé, torrentueux
et mimétique » de Jean-François Kahn.
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Téléachat
: le chant du cygne ?
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À
l’heure où nous mettons sous presse, le téléachat moustachu
vivrait ses dernières heures sur LCI. Est-ce parce qu’il avait
déjà appris son licenciement prochain et entrevoyait son avenir
avec pessimisme que, le 22 décembre 2001, Edwy Plenel recevait
sur LCI, dans la tour TF1, sur le plateau de son émission
« Le Monde des idées » l’auteur d’un livre consacré
aux clochards ? Cette pulsion sociale resta aussi soudaine
que brève. Dès la semaine suivante, le Roi du téléachat invitait
une nouvelle fois – la dernière ? – Philippe
Sollers, son acolyte papiste en mondanités prétentieuses :
« Je vous propose de terminer l’année avec cet écrivain,
notre écrivain national, Philippe Sollers. […] Philippe
Sollers, nous sommes ensemble pour finir cette année autour
de votre dernier livre, Mystérieux Mozart. […] Pourquoi
a-t-on honte de pleurer, Philippe Sollers ? »
Sans doute averti de l’éviction imminente de son Roi du téléachat
préféré, Sollers se montra apaisant : « Après
tout, la vie est courte, et il faut trouver la sérénité, c’est-à-dire
ce que Mozart appelle un “beau calme”. » À moitié
rassuré sur son avenir dans le téléachat, Plenel bredouilla,
la moustache tremblante : « Souhaitons-nous ça
pour 2002. »
Sa
reconversion sera d’autant plus problématique qu’un journal
libanais, L’Orient le jour, avait révélé quelques jours
plus tôt que Plenel ne savait pas écrire. Alors que « Le
Monde Proche Orient » parrainait la « dictée
de Pivot », le Roi du téléachat a en effet commis l’imprudence
d’y concourir. Résultat : « Le grand gagnant
a été Philippe Lecourtier avec deux fautes, talonné de près
par son homologue italien, qui en a commis quatre. Les autres
participants en ont totalisé quatre et plus et la palme des
erreurs a été remise à Edwy Plenel. » (L’Orient
le Jour, 03.01.02) PLPL, qui ne souhaite pas s’acharner
contre le directeur de la rédaction du Monde dans une
période difficile pour lui, ne révélera pas le nombre, effarant,
de ses fautes d’orthographe.
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BHL
chez Michel Drucker
Le
11 novembre, jour des morts, France 2 fit défiler des cadavres.
Michel Drucker : C’est une émission particulière. C’est une
émission exceptionnelle. La personnalité de notre invité est rare.
Il a une des plumes les plus acérées, les plus brillantes de sa
génération.
François Pinault (interrogé par Drucker) : Bernard-Henri
Lévy est un ami. Il est pour moi un confident, il est pour moi un
conseiller. C’est presque un fils. Pour Bernard-Henri, je représente
un peu ce qu’a été son père. Bernard, je sais que notre amitié qui
dure depuis des années est une amitié forte.
BHL (il pleure) : Excusez-moi, je suis un peu ému.
Alain Minc (présenté par Drucker comme « un des hommes
les plus brillants de son temps ») : C’est un ami
de plus de trente ans. C’est quelqu’un qui n’a pas vieilli. Il a
été mon éditeur, il l’est encore. On a presque toujours été d’accord.
Un intellectuel qui ne se trompe guère en 30 ans, c’est rare. En
25 ans, il a pas fait une vraie erreur de positionnement. C’est
rarissime. Il tombe toujours juste parce qu’il a une espèce de boussole
morale qui fait qu’il tombe au bon endroit.
Françoise Giroud (groupe Mouchard) : Je le trouve très
beau, je le trouve très émouvant.
Pierre Lescure (groupe Vivendi) : Sortir ce bouquin,
ça vaut toutes les légions d’honneur. Être à ce point en adéquation
avec l’actualité du monde, faut vraiment pas s’être trompé.
Jean-Luc Lagardère (groupe Lagardère) : Premièrement,
c’est un ami. J’ai peu d’amis. Il est gai. C’est un homme réfléchi.
C’est un homme courageux. Cette fidélité à ses amis, c’est pour
moi déterminant. […] Ceux qui l’ont critiqué passeront. Lui-même
comme tous les hommes passera. Mais son œuvre restera.
Jean-Marie Colombani : C’est quelqu’un qui est à part,
par la force de sa personnalité et de son caractère. Moi, c’est
quelqu’un qui me frappe par son extraordinaire courage. […] C’est
quelqu’un qui a une valeur inestimable parce que, au contraire de
beaucoup de ses confrères intellectuels, il ne s’est pas ou peu
trompé.
(Monologues extraits de l’émission « Vivement dimanche prochain »,
France 2, 11.11.01.)
Trotsky
dans Gala
Interrogée
le 14 février 2002 sur Match TV (groupe Matra-Hachette) par la journaliste
Florence Belkacem, Arlette Laguiller a été fort pédagogue.
Florence : Est-ce que vous êtes prête à aller dans n’importe
quelle émission de télé ?
Arlette : Je peux aller dans des émissions de variété.
Florence : Le pompon, c’est une grande interview dans Gala.
Est-ce que vous pensez que Léon Trotsky, votre modèle, aurait accepté
d’aller chez Dechavanne ou Fogiel ?
Arlette : Je suppose que oui.
Puis,
sur le plateau, arrive Mme de Fontenay, patronne des Miss France.
Elle interroge à son tour Laguiller : « Comment est
perçu le soutien que je vous amène ? Imaginons qu’il y ait
une jeune fille adhérente à Lutte ouvrière qui devienne Miss France… »
Fontenay ne partira pas sans avoir remis à Arlette « une
modeste contribution » pour sa campagne. La candidate trotskyste
l’y avait encouragée en lui lançant : « Vous êtes toujours
aussi attentive aux conditions de vie de la classe ouvrière. »
QVM
diplomatique
Prompt
à dénoncer la gangrène consumériste, Le Monde diplomatique
de février a vendu pour quelques piécettes trois de ses pages aux
annonceurs Renault et SFR. Cette orgie publicitaire s’explique-t-elle
par les consignes de Ramina- Colombani qui, squattant les colonnes
du numéro précédent, ordonnait au « Diplo » d’avoir recours
à la « bienfaisante publicité » (janvier 2002) ?
Le Monde diplomatique, détenu majoritairement par le groupe
QVM SA (ex-Le Monde), avait obtempéré séance tenante en faisant
la réclame – qui plus est gratuite ! – d’un
« produit » infiniment plus vérolé qu’un téléphone portable
SFR : le dernier livre d’Edwy Plenel, directeur de la rédaction
du Monde.
Toujours
rien (ou presque)
Les
dénonciateurs professionnels de la « marchandisation du monde »
n’ont toujours pas réagi à la marchandisation du quotidien Le
Monde, qui s’apprête à entrer en Bourse. Serait-ce qu’ils préfèrent
débattre de « l’ultralibéralisme » dans les pages du Quotidien
vespéral des marchés ? C’est ce qu’avait prévu le journal
de Ramina qui avait juré de « rendre Le Monde indispensable
même à ceux qui le contestent »*.
ATTAC,
créé pour « reconquérir les espaces démocratiques perdus
au profit de la sphère financière » (texte de sa plate-forme
fondatrice), n’a pas protesté contre la nouvelle structure capitalistique
du QVM. Au contraire, l’association a renfloué les caisses
périclitantes de Ramina-Colombani en publiant un encart de publicité
dans les colonnes du QVM (18.1.02) pour annoncer son meeting
au Zénith. Car, avec cet encart, ou bien il s’agit d’un cadeau du
QVM à ATTAC, et PLPL préfère ne pas en imaginer la
contrepartie. Ou bien il s’agit d’un achat publicitaire d’Attac
avec l’argent des adhérents (envoyé pour combattre « la
sphère financière »), et c’est presque pire…
À
ce jour, les seules réactions critiques enregistrées par PLPL
à l’entrée du QVM en Bourse émanent de : Acrimed (www.samizdat.net/acrimed),
la journaliste Aline Pailler, Charlie Hebdo, Le Monde
diplomatique, Pierre Bourdieu [lire
p. 10]. Et, bien sûr, PLPL…
*
Site de la Société des lecteurs du Monde le 25.08.00.
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