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DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL CHEZ LES PORCS
LE VENT DE LA LIBERTÉ.

 

 

THIERRY DISCEPOLO
Le Rire, n°48, janvier-février 2003.
Abonnement 1 an, 6 numéros = 15 euros (RIRe, bp2402, 13215 Marseille cedex 02)

 

 

   

Le gadget littéraire de La Cinquième, « Droit d’auteurs », a été lancé en février 1996. Depuis, le service juridique de cette chaîne a reçu trois demandes officielles d’une cassette de cette émission en vue d’engager des poursuites.

La première fois, c’était le lundi 16 décembre 1996, après la diffusion deux jours plus tôt d’un plateau avec Michel Soudais (auteur de Le Front national en face) et August Von Kagenek (journaliste allemand et ancien de la Wermacht). Le plaignant était le service juridique du Front national. (Affaire sans suite.)

Le dimanche 27 mai 2001, l’ex-lieutenant algérien Habib Souaïdia, invité par « Droit d’auteurs », tient des propos qui irritent le général-major algérien Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense. (La plainte pour diffamation a été déboutée le 27 septembre 2002.)

La dernière fois, c’était le lundi 14 octobre 2002 : au petit matin, Josyane Savigneau, rédactrice en chef du Monde des livres, réclamait une cassette de l’émission diffusée la veille, qu’elle n’avait pas vue mais au cours de laquelle — tout le monde (Le Monde ?) le lui avait dit — elle avait été « copieusement insultée ». Notre envoyé spécial à la rédaction du Monde a noté ses propos : « J’en ai marre de ces porcs invités par des gens que par ailleurs j’estime (1). »

Il semble que les « porcs » en question soient Pierre Jourde et Jean-Philippe Domecq, auteurs respectifs de La Littérature sans estomac et de Qui a peur de la littérature ?, ouvrages où ces gens-de-lettres s’en prennent à la littérature que le monde-des-lettres (auquel ils n’appartiennent pas) impose sur le marché industriel du livre avec l’appui massif d’une « critique », dirigée par Le Monde des livres, dont la forme s’accomplit dans une fusion entre stalinisme et maccarthysme (2).

Si les deux auteurs n’ont rien dit de bien méchant sur Le Monde des livres — très en deça des critiques qu’ils ont publiées —, et rien du tout sur la pauvre Savigneau, notre envoyé spécial nous signale que la colère de la rédactrice en chef du supplément industriel pourrait être légitime. En effet, Josyane fut surprise… D’habitude, elle se débrouille pour que de tels auteurs soient censurés !

Ainsi, à la demande expresse de Jean-Marie Colombani, directeur du Monde, et de Pierre-Louis Rosynès, rédacteur en chef de Livres hebdo, l’émission « littéraire » Campus (France 2), qui avait annoncé la participation de Domecq, fut « déprogrammée ». L’explication du patron du Monde fut toute d’attention et de tendresse : « On ne peut pas faire ça à Josyane », aurait-il dit. Ému aux larmes, le pauvre Guillaume Durand s’est déculotté. Ce n’est sans doute pas la première couleuvre qu’il avale mais celle-ci passe si mal qu’il clamerait partout son dépit et la liberté bafouée…

Ainsi, Maxime Benoît-Jeannin, auteur de La Corruption sentimentale (un pamphlet qui stigmatise la critique littéraire parisienne,) raconte : « Pierre Assouline m’avait invité dans son émission. Laure Adler, directrice de France Culture, s’y est opposée à la demande de Josyane Savigneau. Parce que je critiquais cette dernière dans mon livre (3). »

Et depuis, chemin faisant, l’autocensure relaye la censure : un texte polémique de Pierre Jourde sur l’université, prévu de longue date pour paraître dans le numéro de janvier 2003 des Temps modernes, vient d’être retiré in extremis du sommaire : d’après un membre de la rédaction, les responsables, qui ont eu vent d’un probable procès de l’auteur avec Le Monde, ne veulent pas d’ennuis. « Derrière les attaques contre Le Monde des livres se cache une jalousie et peut-être même un refus de la liberté », bavait pendant ce temps Edwy Plenel dans le crachoir de Livres hebdo (04.10.02).

 

(1) Fidèlement assistée de son adjoint Jean-Luc Douin, Josyane Savigneau a aussitôt lancé deux attaques, pour « propos injurieux et diffamatoire », contre Pierre Jourde, en tant qu’auteur, et contre son éditeur, Éric Naulleau (L’Esprit des Péninsules) : l’avocat a pour mission d’interdire la publication de leur prochain livre, Déjeuner chez tyrannie, à paraître en 2003.

(2) Lire le dossier de PLPL n° 11 sur Le Monde des livres.

(3) Le Ligueur (hebdomadaire bruxellois édité par la Ligue des familles), n° 43, 13 novembre 2002.

 

     

 

   

   
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