Pierre Bourdieu |
||||||||
sociologue énervant |
||||||||
Des
textes sur et autour |
||||||||
|
|
EXPLICATION |
||||||
Le Nouvel Observateur, Le journal permanent (en ligne), 08/02/2002 ? |
||||||||
|
'ai connu Pierre Bourdieu en 1979, quand j'ai réalisé avec lui une interview à propos de "La Distinction". De ce moment jusqu'à sa mort, une complicité personnelle, intellectuelle et politique nous a liés. J'ai publié un grand nombre d'entretiens avec lui. Le dernier en date a paru en mai 2000, et occupait trois pages du Nouvel observateur. Il a participé à des colloques que j'ai organisés, et j'ai édité les textes qu'il y avait prononcés, le dernier étant sa contribution au colloque de juin 2000 sur "L'infréquentable Michel Foucault", dont les actes ont été publiés en mai 2001 (Editions EPEL). Pierre Bourdieu me faisait presque toujours lire les manuscrits de ses livres, comme l'attestent ses dédicaces. Par exemple, sur mon exemplaire des "Méditations pascaliennes" (1997) : "Pour Didier, ce livre qu'il a lu et relu, et dont il m'a aidé à porter la souffrance. Avec toute mon affection". Tout au long de ces 22 années, j'eus d'innombrables occasions de discuter avec lui de la question de la publication : où publier, quoi, comment, à quel moment, dans quel but, pour quels effets recherchés… ? Je ne me sens donc pas le plus mal placé pour évaluer ce qu'il est possible de faire paraître, et dans quelles conditions (si c'est bien cela le problème qui est posé, et qui me semble le seul vrai problème). À sa mort, le plus bel hommage qu'il était possible de lui rendre n'était-il pas de donner à lire un extrait de l'extraordinaire petit livre qu'il venait de terminer ? Le passage qui en a été publié par le Nouvel observateur me touchait particulièrement parce que j'en avais longuement discuté avec lui quand il l'écrivait, et bien avant qu'il ne m'envoie le manuscrit complet (la référence à Genet qui y figure est l'une des traces, dans le texte, de nos conversations). Pierre Bourdieu m'a envoyé le manuscrit de ce petit livre vers la fin du mois de novembre. Je lui ai fait, comme d'habitude, mes remarques et commentaires lors de plusieurs conversations téléphoniques. Et il a, par exemple, entièrement récrit la page sur Foucault (que je n'avais pas du tout aimée), m'envoyant la nouvelle version, par mail, le 10 décembre, pour me demander si je trouvais cette rédaction meilleure. Quelques jours plus tard, il a envoyé ce livre à son éditeur allemand, Surkhamp. Pourquoi un éditeur allemand ? La raison en est fort simple. Entre janvier et avril 2001, il a fait son cours au Collège de France sur la sociologie de la science. La dernière séance fut consacrée à une analyse sociologique de sa propre sociologie, ce qu'il appelait une "auto-analyse". Le Monde a raconté cette dernière séance (qui était aussi son dernier cours, puisqu'il prenait sa retraite aussitôt après). Quand il a annoncé qu'il allait publier ce cours (qui a paru, sous le titre "Science de la science et réflexivité", dans sa propre maison d'édition, Raisons d'agir, en octobre 2001), son éditeur allemand a cru que tout le livre allait consister en cette "auto-analyse" évoquée par Le Monde. Et a donc inscrit un "Bourdieu par Bourdieu" dans son bulletin des parutions à venir. Voyant cela, Pierre Bourdieu a d'abord voulu les détromper. Puis il s'est ravisé et s'est mis à écrire le livre annoncé. Il a d'abord passé le printemps et l'été à mettre au point le texte de son cours. Et a ensuite écrit ce petit livre pour Surkhamp (entre septembre et mi-décembre, et en y insérant probablement des fragments rédigés antérieurement). Voilà l'histoire. Elle est simple. Mais j'aimerais surtout que, de tout cela, on ne retienne qu'une chose : la beauté des quelques pages de Pierre Bourdieu que le Nouvel Observateur a publiées, leur éclat que rien ne saurait ternir et qui, au contraire, me semble éclipser tout le reste. Formulons donc un souhait : que tous ceux, innombrables, qui ont été frappés par ce fragment d'"auto-analyse", puissent disposer rapidement du texte intégral de ce livre incandescent. Bourdieu-"Obs":
explication dans "Livres-Hebdo". Alors
que la famille de Pierre Bourdieu s'est indignée de la publication
par le Nouvel Observateur d'un texte inédit du sociologue
sur son enfance de collégien (lire Libération
du 7 février), didier Éribon, le critique et écrivain
à l'origine de cette publication, s'explique ce matin dans
les colonnes du magazine Livres-Hebdo.
Tout en regrettant que cet article ait été publié
à son insu au milieu d'articles "si violemment hostiles"
au chercheur disparu le 23 janvier dernier, didier Éribon
justifie sa décision en expliquant que Pierre Bourdieu avait
écrit ce texte autobiographique pour l'éditeur allemand
Surkhamp, et qu'il le considérait comme "terminé
et prêt pour la publication". Né du dernier
cours du sociologue au Collège de France en avril 2001, rédigé
entre octobre et novembre 2001, l'ouvrage devrait s'intituler Esquisse
d'une auto-analyse. |
|
||||||
|