Maison Écrivez-nous !   Société Textes Images Musiques

  Critiques

 
   

Textes

 
 


 

 

 
 

 

suerte

Claude Lucas : 
« Suerte - L'exclusion volontaire »
Terre Humaine Poche, n° 10593, 1998.

 

 

   

cela faisait vraiment (trop ?) longtemps que je n'avais ressenti un tel un choc en lisant un bouquin. Fallait remonter à Céline, puis Ellroy, et Dantec il y une poignée d'années, pour que je me rappelle avoir tanné mes amis et connaissances avec le « super bouquin que je suis en train de lire ». Suerte fait sans conteste partie de cette catégorie.

pointg.gif (57 octets) Le principe pourtant peut sembler simple : un taulard, tombé pour des braquages, rencontre la philosophie de Levinas en prison, et se met à pondre un roman autobio, où il raconte sa vie légèrement romancée et ses considérations existentielles sur la prison. À l'issue d'un tel énoncé, on craint le pire. Et pourtant ça fonctionne pour trois grandes raisons : 

pointg.gif (57 octets) Un, le style. Ce gars-là sait vraiment écrire. J'irais même plus loin : si il n'avait pas été directement concerné par le sujet, on aurait crié au génie littéraire. Ainsi son héros parle-t-il de la condition des prisonniers : 
« ... Ce que vous voulez avant tout, c'est continuer à vivre comme si de rien n'était. C'est pourquoi vos revendications vont toujours dans le sens d'une amélioration matérielle du régime pénitentiaire. J'ai pas ci donne-moi ça, j'veux embrasser ma maman, areu-areu ça fait quinze ans qu'on me sert un biberon froid tous les matins, etc. [...] Car de même que les ouvriers ne manifestent pas pour qu'on supprime leur usine, vous, vous ne vous mutinez pas pour sortir de prison... »

pointg.gif (57 octets) L'humour, manié généralement à froid, est aussi une de ses grandes spécialités. À son collègue qui lui dit que tout est politique, il répond : 
« - Je doute qu'on me demande un jour de prouver que tout est politique...
- Ce ne sera pas nécessaire. Lyon III est déjà considérée comme une université de droite à tendance catho.
- Elle se trouve aussi au bord du Rhône, et ce n'est pas pour ça qu'on en sort marinier... »

pointg.gif (57 octets) La seconde raison, en tout cas pour moi, est l'utilisation des lieux. Le personnage vit dans un univers ancré, marqué  par les lieux où il évolue. La plupart de l'histoire se déroule alternativement à Lyon et en Espagne, et tous les lieux sont clairement identifiés. Je me suis même surpris à chercher la rue Jean-Claude Vivant à Villeurbanne, où le narrateur passe un mois d'août torride et ennuyeux. Mes recherches m'ont effectivement confirmé le côté anonyme et sans âme de cette rue. 

pointg.gif (57 octets) Enfin, la portée ethnologique du bouquin, souligné par le fait qu'il soit paru dans la très bonne collection de Jean Malaurie, où il côtoie les ouvrages de Lévi-Strauss, lui permet d'apporter une réflexion plus que pertinente sur le rapport que notre société entretient avec ses prisonniers, exclus quasi-définitifs du système social.

pointg.gif (57 octets) Pour la petite histoire, et pour permettre l'élargissement de ce prisonnier vraiment repenti, n'hésitez pas à faire un tour chez son comité de soutien.

 
lovelace
lovelace
 

  alapage amazon uk

 
    

   
maison   société   textes   images   musiques