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lundi
28
Du
sang dans la lumière, qui brouille tout. L’une dort (ou fait
semblant), l’autre se nourrit d’elle. Chaînes, ceinture, et
beaucoup de cheveux (tignasses).
J.
ne veut pas entendre parler de mes projets la concernant. Ce que je
lui suggère la perturbe. Elle craint « des ennuis ».
Cela l’attire, la fascine. Elle finira par y venir.
29
mai
Elle
arborait un porte-jarretelles, des bas — c’était
risible et émouvant. Mais je parvins à ne pas sourire.
J’éteignis la lumière et je fus sur elle (serrée,
nerveuse) comme un gros insecte butinant une grande fleur désunie
un peu fanée.
30
mai
Elles
sont deux, une petite aux longs cheveux blond roux, bien en chair
(pneumatique), joviale. Elle porte des lunettes. L’autre : grande
blonde maigre, désincarnée. Bien sûr c’est
la grande qui m’attire. Alors je courtise la petite. Je lui fais comprendre
qu’elle me plaît, et que je suis à sa disposition.
Elle rit, m’examine de la tête aux pieds. Elle rit, ne répond
rien (ne dis pas non ni ne s’offusque). Et, bien sûr,
je me suis arrangé pour que l’autre, la grande, puisse
deviner « notre petit manège ». La rendre « jalouse »,
faute de mieux. N’empêche : elle était à
lire, assise sur l’escalier qui mène à la cour intérieure.
Elle portait une très courte jupe en cuir. Nous parlions un
peu et ses jambes s’ouvraient. Mais je n’ai pas osé. C’était
peut-être distraction. (Quelle belle distraction.)
31
mai
(Tout
près du visage de J.) : il se masturbait avec une
telle violence que je crus qu’il allait s’arracher le sexe.
Fatigue,
fuièvre, dégoût de tout. Ce sont desruses. Se
laisser couler, plomb (par exemple : ne plus se laver, ne
plus se lever) et ; arrivé « en bas »,
constater avec — presque — plaisir que l’on se sent
chez soi.
v.1
juin
Rencontré
Irène au bar Américain. Quinze, seize ans. Trois
sœurs, deux frères. Perdue. Me parle longuement d'un de ses
frères qui est malade (mais elle est incapable de me dire ce
qu'il a).
2
juin
J’ai
encore vomi. J. me soigne avec dévouement et moi je suis épouvantable,
grinçant, désagréable. Je ne m’aime guère,
en ce moment.
Il
décide de laisser S. « à la disposition »
de quatorze copains, âgés de 15 à 20 ans. Elle
sera violée tour à tour par l'ensemble des jeunes gens
présents.
Après
avoir peiné pour obtenir des preuves, il a trouvé un
moyen simple de s’en procurer (il suffit de payer). Ceci ne retire
rien à la validité de ces preuves (qu’au début
il ne considérait que comme des indices, des présomptions)
mais réduit sensiblement l’intérêt qu’il leur
porte (pas assez toutefois pour qu’il s’en désintéresse ; simplement,
la quête est devenue une sorte de corvée ; l’exaltation,
le doute, les revirements se sont mués en routines). Preuves,
des preuves de l’existence de Dieu. Des évidences. Une
fois admises ces évidences, une fois décrypté
le message (et cela ne coûtait qu’un bref effort d’attention),
l’ensemble s’ajustait sans solution de continuité. Perfection.
Perfection que venait troubler cependant un aspect irritant de l’affaire : les
preuves étaient nombreuses ; elles étaient
innombrables. Ainsi, après avoir collecté ses premières
pièces avec ferveur, après les avoir longuement examinées,
les avoir tournées en tous sens, avoir passé des nuits
à s’abîmer en leur contemplation, en leur interprétation,
il se contente de les stocker, par centaines, renonçant même
à envisager une quelconque méthode de classement. Encore
vécu-t-il un moment dans l’illusion qu’il lui serait possible
de collecter toutes les preuves. Mais là aussi, l’adversaire
était plus fort : les preuves étaient partout,
elles pleuvaient sur lui ; il suffisait de tendre la main.
Ce qu’il faisait encore, machinalement. Plusieurs heures par jour
il engrangeait ses preuves, les empilait, se promettait chaque fois
de — bientôt — se lancer dans une autre partie de
son programme : étudier, comparer, décrire,
classer. Toutes les preuves n'étaient pas de même nature
et il hésitait quant à établir une typologie.
Il pressentait confusément de quel nouveau piège il
pouvait s’agir : définissant lui-même une configuration,
une lecture pour l’ensemble, il ne pouvait, du même coup, qu’abandonner
tous les autres possibles, sans être certain d’avoir fait « le
bon choix ». Et sans être convaincu, au fond, qu’il soit
réellement nécessaire d’avoir à effectuer ce
choix. Ainsi, Dieu, masse informe constituée de ces innombrables
bribes continuait de le narguer, définitivement incomplet,
amorphe, dérisoire. Il était las et se sentait floué.
Il imagina même détruire toutes les preuves (peine perdue,
il le savait : il y en avait d’autres, partout ; le
monde regorgeait de ces preuves, toutes semblables, toutes différentes)
mais il n’aurait pu, il le savait, les détruire — une
par une — sans les avoir au préalable examinées,
décrites dans une fiche, et la tâche paraissait dès
ce moment insurmontable.
le
3
M. : Exacte
au rendez-vous. Me parle de son père, chez qui elle vit. Ses
parents sont divorcés.
Elle
me raconte qu'elle a fugué, qu'elle voulait retourner vivre
chez sa mère. Je l'emmène à l'hôtel. Aucune
difficulté. Très naïve. Me demande si je l'aime.
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