Chose
rare : ne pas tacher d’encre le livre où l’on copie des romans,
des recueils de poésies, ou d’autres choses analogues.
Quand c’est un beau cahier, on prend le plus grand soin pour écrire,
et cependant, il paraît toujours sali.
Sei
Shônagon
Mange
corps mange à toutes les gamelles avale toute la matière
du dehors les chattes puantes et leurs portées poubelles pleines
à poignées d’amour du lyrisme mange corps mange les
distractions sur le retour sur le qui-vive sur le qui vivra verra ramonages
forcenés de la colonne vertébrale pompe et déguste
toute l’amicale moelle du système nerveux mange corps mange
pour grandir dans ta propre estime pour les écraser tous et toutes
pour leur ôter toute la lumière du fin mot de l’histoire
ouvre grand la bouche c’est ton premier métier et déclare
la guerre à tous les robinets mange corps mange les miches
de sueur s’écoulant des pores de la sainte boîte liquide
tous les fonds de plats en porcelaine ébréchée ces
endroits où gisent nos intentions secrètes mange corps
mange à grasses bouchées les résidus de la paille
et de l’électron guette les miettes du bla-bla du manteau de balbutiements
assorti à la dernière mode affichée sur toutes les
ouvertures du trottoir mange corps mange les pontons goudronnés
à la dérive sur les sources anéanties que tu feras
rejaillir de ta bile et qui hébergeront les frêles pirogues
des quartiers mange corps mange le gros dos des choses qui pullulent
d’émanations rosâtres de filaments de fêtes repoussées
racle tisonnier happe la graisse du brasier mange corps mange toute
ton innocence de bébé à bec de gaz qui fuse vraiment
trop tôt ça ne fera pas de vieux os sous la langue le découpage
fera ragoût de toute bidoche mange corps mange le rythme
du remugle goûte la saveur du ramassis de vieilles fripes dénichées
sous le terril tes plus belles guenilles à bal mange corps
mange le blanc du cadre des négociations du traité de
paix des belligérants investis la moindre fiche quadrillée
et fais-en ta plus attachante cabane à mange corps mange
ce que tu étais avant d’être et de devenir ce que tu seras
une bille de grâce lancée parmi la mêlée filante
jamais lente grignote l’estomac de l’épuisement c’est sa peau qui
te protégera des coups en germe mange corps mange papa mange
maman mange tous les aïeuls c’est ta véritable inspiratrice
l’épouvantable cervelle cosmique qui te le demande et tu lui obéiras
car c’est programmé mange corps mange les limites de la
connaissance par bouchées longues et épaisses comme les
cuisses les plus parfaites de l’adolescente qui t’attend au bas de son
immeuble prête à t’infuser sa longue science de la promenade
nocturne cet événement attractif qui amène la chair
des membres à se rencontrer mange corps mange les nids de
taupes viles bulles grumelant toute la plage engouffre la part du lion
déplume la crinière dépiaute la toison de la tapisserie
de la belle moquette pour ton habitacle à cavales mange corps
mange la supercherie que tu infliges aux témoins de ta croissance
à l’aboutissement de ta gestation vulgaire traité de vocabulaire
se dirigeant c’est certain vers un mur rose de ventre vers l’ombilic bonbon
à câliner de l’extrême pointe décolorée
de la langue ce sera ton meilleur souvenir mange corps mange les
crânes qui te soutiennent cet amoncellement de désenchantement
qui a produit le compost de la pensée la gouaille hilare pour les
gencives ça rutile sous la mer blanche ça en jette mange
corps mange les feuilles imprimées des fiers incunables suçote
paisiblement chaque empattement l’un après l’autre aspire le conglomérat
des types au parangonnage régulier et fidèle des manuels
de composition typographique mange corps mange les confits de petitesse
déposés sur la table du festin avec la plus louable politesse
et soudainement soulève les invités d’un rot final afin
qu’ils comprennent la nature exacte de l’essence qui les compose et que
leur présence à ce banquet est une bien trop grande privauté
qu’ils se sont accordée mange corps mange l’orange du système
solaire et les huîtres pleines de planètes et les navets
aux satellites accolés tous sur la pelure imbécilement amoureux
des thèmes à grelots à cymbales à pipeaux
et qui dansent folâtrement comme des aimants de teinte mauve mange
corps mange le suspens de la chute du temps du parapet givré
chute qui ne cesse qu’au contact du plancher des abysses troublant l’accomplissement
des quadrilles où brillent nos aimés mollusques mange
corps mange la pelouse en ébène la tarte funèbre
trempée au fond des grands lacs la pile de crêpes au chignon
crêpé à tous les étages la fusée de
pâte saupoudrée de sucre pas très candide du sucre
d’os oui râpé limé concassé à bon escient
pour préserver la race disent les doigts plein de confiture plasmique
mange corps mange les foules dégueulées qui démembrent
les routes et balancent les nerfs guerriers aux façades des hauts
bâtiments justes dont la poupe bave vermeille incontinente pourriture
rude et prodigue en mucosités atomiques mange corps mange
la pierre mâche le fer et distille en de fins mégots argentés
l’avenir des glaciers en fonte gardés par les ours séculaires
et blancs au poil nourricier et aux mamelles crassement sèches
instaure la consommation sans équivoque des champignons glauques
et oraculaires dont la pendaison de crémaillère fera la
plus belle fureur la dernière mange corps mange le pucelage
à grimace la fente nasillarde qui égrène la graine
justement qui transmute puis édulcore les flocons épais
de l’amour en d’arithmétiques sentences prélevées
d’une corne d’abondance dont l’approvisionnement demeure soumis à
cette raison dont les siècles de philosophie n’ont guère
prouvé l’efficace finalité mange corps mange les
tombes qui naissent des bombes aux éclairs blonds méchants
et épicés les puits de l’achèvement qui s’annonce
très salace en résurgences germinales en visions syncopées
de caoutchouc mange corps mange la mie puis les croûtons
plongés au fond des canaris où repose une sauce abracadabrantesque
bouche bée béante et blanche emprisonnant la coulée
gluante de petites lamelles lombricoïdes dont chaque extrémité
est une tête qui chuchote pour mieux se faire entendre mange
corps mange les cratères aux mâchoires scintillantes qui
fusillent les nuées noires les transistors dorés que nous
allumerons tout à l’heure assis sur nos planches à voile
nettoyant la pellicule du champ d’action l’air surexposée à
coup mange corps mange les sentiments les sentiments continus reproduits
distribués recouverts de papier sulfurisé comme au supermarché
oui mamie des briques de 250 g pasteurisées on ira les stocker
au frigo tout à l’heure c’est ton babu qui te le promet mange
corps mange les mercenaires poilus de détritus bardés
de sachets en poudre et d’ordinaire c’est la poudre qui est la poudre
et non le sachet ce qui n’enlève rien à la qualité
dogmatique de ces agents doubles mange corps mange le berceau imaginaire
omniprésent et omniscient toujours à la recherche infatigable
de la vérité coulant sous la forme de larges gouttes visqueuses
des immondes muqueuses reproductrices s’évaporant avant de toucher
la masse unie et impénétrable du sol baigné d’intestins
fluorescents aux rayons voisés de lumière aux myriades de
pépiements bloqués par le temps vieille suite ininterrompue
d’intervalles badigeonnés par le condiment de la relativité
mange corps mange les passeports les cartes d’identité les
plus pauvres des procès verbaux déchirés enfouis
très loin sous le nid usé de l’aigle qui vient y déposer
sa saleté la plus sale sous un ciel tout excrémentiel mange
corps mange les débris du Nouveau Monde osselets lugubres jetés
pêle-mêle derrière le rideau de la pluie ce passage
obligé vers l’autre état le meimei ataraxique on ne sent
plus l’odeur quel soulagement des figurines bandes horizontales de pavillons
calcinés par des flammes d’une surface de soixante à cent
mètres carrés langues foudroyantes d’incendie salpêtre
et soufre respiration parsemée en cubes de viande si crue qu’on
croirait en la touchant caresser la soie d’une mouche mange corps
mange les illusions nettoyées pour une énième
reconquête du territoire mères-putains dévouées
à être dominées pour semer racines et gerces elles
sont comme ça c’est tout la colle vient fleuve spongieux de l’autorité
et rassemble abeilles et apiculteurs pour les réconcilier mange
corps mange les accessoires garnitures coiffes bonnets cornettes mouchoirs
de cols et autres fichus apanage du veuvage à perpétuité
une fois qu’on eût recousu l’ouverture des cuisses après
le constat d’échec mange corps mange les ordres qui craquent
et délimitent les rivalités rebelles aiguisent les lames
émoussées réveillent les jets de salive et de pierres
aux visages tantôt embrassés tantôt mordus d’épines
louvoyantes polies sous l’ongle long ongle crissant hissé sainement
à hauteur de larme irritant la compagnie des cils et des saillies
oh que c’est beau que c’est poétique oui c’est une métaphore
du cercueil mange corps mange les insectes au vol vertical qui
pulvérulent des ailes si on les trempe dans l’huile bue et déglutie
trop anciennes larves coupées et limées hiératiques
prothèses dentaires en marche vers la commémoration mange
corps mange les fiancées aux épaules et aux seins criblés
d’impacts microscopiques ouverts vers l’intérieur un œil viendra
y prélever l’arôme lubrificatrice des préliminaires
langue contre ligaments aspirateur grande puissance qui nettoie les champs
et les ruines ramasse les plastiques éparpillés les chemises
tâchées absorbe le putréfié superflu le tuyau
gobe gros entre les raies mange corps mange la soupe des phénomènes
d’assèchement prématuré les hululantes plaintes des
marécages l’attestent nous sommes foutus il va falloir privatiser
oui plus d’autre solution d’ailleurs le sort du crocodile n’est guère
enviable il va devoir céder ses pleurs au plus offrant pour se
tenir hors de l’eau mange corps mange les difficultés qu’éprouvent
les sociétés modernes à sanctionner les crapuleries
liquidations et atteintes aux genres ou plutôt aux lois régissant
le plan des genres on chipote face au menu alors qu’on lorgne ostensiblement
sur les plats à la carte mange corps mange les prétentions
perpétuant les carrières de marbre aux sillons âpres
et éraillés mélopant à bouche-que-veux-tu
des partitions en fragments heurtées d’à-peu-près
le cou du sac est cuit et la vapeur fait plier toutes les arrière-gardes
bottes et tibias compris mange corps mange les labours noircis
à la suie de pin les gestes susurrés du poignet les appauvrissements
du mouvement grippé entre les chemins chevauchés des défaites
mange corps mange tous les mots que tu n’as pas cerné bercé
apprivoisé les mots qui n’auraient porté qu’un masque surnuméraire
un masque d’affrontement terreur ou pitié mange corps mange
les séquelles d’un texte malade de n’être que l’ectoplasme
de lui-même état parmi trop d’états choix où
l’excès se fonde sur l’absence le non-écrit les trous noirs
qui ne sont pas les ratures les brouillons les déchets masse tue
masse cachée masse impossiblement vraie mange corps mange
l’irrégularité du débit de ta propre construction
élit les préliminaires au rang des artifices de réconciliation
flanque tes rires en grappes obèses ne ménage pas ton plaisir
tu dois le faire jouir à son terme ce mécanisme mange
corps mange ça a à la fin l’air tu es las de rimer ce
monde ancien mange corps mange les césures lapidaires et
ataviques de ton corps et surgit céans sur la scène : en
marche !