43. Dans le couloir qui grince, étroit, étroit et sombre on se toise, on se frôle, on observe. On attend. Quelque chose qui aurait à voir avec une très modique parade nuptiale. Aussi quelques sales billets ont tout à l’heure changé de mains. Les filles ont passé leurs moins vilaines robes ; certaines se sont débarbouillées. Les garçons se sont rasés, ont décrassé leurs ongles. On fait bien attention, on essaie de choisir avec discernement (ensuite ça va très vite, l’église, la mairie) en fonction du peu d’éléments dont on dispose : celle-ci est souriante, celle-là a de tout petits seins, la blonde est fade (elle parait idiote) ; la brune est convenue : elle respire par la bouche.

44. On l’invite (l’air de pas y toucher) et souvent elle accepte. Souvent, pour elle, c’est la première fois. Elle n’ose demander des explications. Elle se goinfre et y fourre le nez.


45. Il est venu d’ailleurs, il sait pourquoi. Il se sent plutôt à l’aise. Il ne veut pas aller dans le couloir et cela suscite, malgré tout, une certaine réprobation. Mais il fait celui qui, léger, ignore tout des usages et n’a pas le temps de s’en soucier. Il est arrivé juste au début, on lui a présenté les fiancées. Il n’a pas su se décider. Les filles sont réticentes (il n’est pas d’ici — même si, bien sûr, on ne peut en attendre que davantage de confort, de bien-être — mais les filles n’ont qu’une idée rudimentaire de ce que cela peut représenter. Monsieur est tout sourire et ne s'impatiente pas. Mais il a prévenu : après-demain matin il s’en ira. Quoi qu’il arrive. Quand on en parle, les vieilles hochent la tête, l’air méfiant. Les pères, farouches, baissent les yeux sur l’assiette, et mangent. Tout le monde semble mal à l’aise, comme dépourvu quant à ce qui pourrait constituer la bonne réponse.