46. Portes blindées, menaces à peine voilées. Nous avançons. Les ombres n’ont plus rien d’accorte, elles remuent doucement, à la lisière du regard. Quelque chose nous dit que nous allons mourir. La raison tente de rétorquer, la raison oppose que, de toute façon — et tôt ou tard — nous allons tous mourir. Mais il est répondu qu’ici, très bientôt, nous allons y passer, et de façon particulièrement répugnante. En attendant, il faut avancer (rester immobile serait bien plus pénible ; au moins il y a le bruit de nos pas, quelques mots échangés à voix basse).

47. Elle sont ici. Malades, tristes, endommagées. Elles ne se plaignent pas simplement elles ont ce regard de bête fidèle qui ne comprend pas. Nous hésitons : les punir, les tuer ? Ou bien les prendre dans nos bras et les ramener à la maison ? Elles ont failli, bien sûr, et nous nous y attendions. Elles ont payé, et durement. Peut-être pourront-elles reprendre le chemin des épouses, des mères et, pour certaines, le sentier des amantes…
    


48. Lever le pied très haut pour franchir le — très haut seuil. Courber l’échine, remuer le sourcil. S’ébrouer vaguement — contre la fatigue, l’ennui — serré dans un couloir trop étroit, trop bas — trop long. On finira par y laisser sa peau on finira
par se rompre les os.
Laisser les os, rompre la peau. On rigole. Il nous en faut de moins en moins. Il y a la gadoue, le cambouis et la rouille ; les rhumatismes, la cécité, cette opiniâtre constipation. La tâche sera rude (désormais).