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  Christophe Petchanatz

  Nouvelles du pays des morts.

 


  



   

anfred se souvient très bien de son passage. Il a quitté la route dans son auto. Il s’est retrouvé debout à côté de l’auto cassée. Il a marché jusqu’ici. Mathilde avait pris trop de pilules le soir. Elle s’est réveillée ici.

J’ai déjà dit que Lina, sa fille(?) était morte dans un accident d’auto (ou d’avion?). Hervé, dont je n’ai pas encore parlé, est tombé de très haut d’une maison sur un trottoir.

Beaucoup de nous n’aiment pas se souvenir ou disent qu’il ne se souviennent pas. Il ne semble pas très poli de les interroger là-dessus. Je me demande pourtant si nous ne sommes pas tous arrivés ici à la suite d’un accident (et alors, où sont les autres?).

Je me vois seulement au revers d’un grand mur. C’est un mur de pisé, jaune, décrépi, avec une porte de bois peinte en marron-rouge foncé, vieille et qui ne s’ouvre plus depuis longtemps. Quand je le regarde à nouveau, c’est un mur recrépi, il n’y a plus de porte, mais on devine à une trace qu’elle a été murée. Cette modeste fantasmagorie ne m’émeut pas.

C’est l’après-midi en été, assez tard. Devant moi, il y a une rue déserte bordée de villas muettes. Je marche sur un trottoir couvert de gravier blanc. J’entends sonner un clocher, mais je ne peux pas dire de quel côté. Il y a beaucoup de rues qui se coupent à angle droit.

Quelqu’un devant moi marche sur le même trottoir et vient à ma rencontre. C’est une jeune femme. Elle sourit et me tend les mains.

— Bonjour! Vous venez d’arriver? C’est moi qui est été désignée pour vous accueillir.

— Par qui?

— Mais par vous et par moi, puisque nous venons de nous rencontrer. Venez, je vous mène chez vous, vous verrez les autres demain. Appelez-moi Julie.

Chez moi, après avoir tourné plusieurs fois dans des allées désertes, c’était une petite maison à un étage. Nous ne sommes pas allés au perron, mais à une petite porte de sous-sol un peu enterrée. Julie a ouvert, et dès que j’étais entrée elle a refermé derrière moi. Je me suis retrouvée seule dans le noir et j’ai dû m’endormir parce que je ne me souviens de rien d’autre.

Il y a eu presque de l’animation dans notre quartier l’autre jour. Perle, François, un autre monsieur dont je ne sais pas le nom, avaient décidé de partir ensemble. Nous les avons accompagnés jusqu’au portail.

Ils plaisantaient et riaient entre eux. Quand ils ont eu passé la porte, Patrick a ri drôlement. C’est la première fois que nous voyons partir un groupe. En tout cas depuis que je suis là.

Mais si ça fait longtemps ou pas longtemps, je m’aperçois que je n’en sais rien. On disait la fuite du temps. Ici le temps nous a fui. Ça ne facilite pas ma tâche d’historienne.

J’ai revu Perle au détours d’une allée. Leur retour a été moins gai que leur départ. C’est comme moi avec Manfred. Le monsieur dont je ne sais pas le nom voulait retrouver sa maison. Ils ont marché dans les environs d’une ville. Il avait dû se tromper de ville, parce qu’il n’a rien reconnu. En fait, c’est pire, il n’a rien reconnu de façon sûre. Nous sommes très loin de cet autre monde, même si nous pouvons le visiter.

  


Christophe Petchanatz  
    

  
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