| F.J. Ossang Un autre homme moderne ? our quelqu'un qui avait vingt ans en 1989, et qui par conséquent n'a pas ou très peu connu le mouvement punk « en temps réel », certaines figures marquent plus que d'autres. Ainsi, F.J. Ossang a, en quelque sorte, à travers ses différentes productions, rythmé une partie de mon devenir. C'est qu'il faut le suivre le bonhomme : touche-à-tout, on le retrouve sur de multiples fronts, aujourd'hui pour la sortie de son dernier livre, Tasman Orient, et demain pour le quatrième long métrage en préparation : Dharma Guns. La musique tout d'abord, car c'est par là que j'ai découvert le personnage. Son groupe M.K.B. (Messageros Killer Boys) a marqué le rock alternatif français par son originalité qui confinait au décalage. Violente, électrique, la musique auto-proclamée Noise and roll, est plus proche des industriels que sont Cabaret Voltaire et Throbbing Gristle que de Mano Negra. Elle peut se faire aussi moins rock, plus instrumentale, comme pour les bandes-son de ses films. Mais elle est toujours là pour servir la voix d'Ossang, tantôt déclamant de façon solennelle des textes de son cru, tantôt hurlant comme un loup des scandes mystérieuses. Le résultat est toujours aussi impressionnant, même après de nombreux disques (dont on peut se procurer la quintessence sur francemp3.com) : on tient ici un vrai groupe, à des années lumière des chanteuses à voix ! En général, quand un chanteur se croit doué d'un certain talent pour écrire les textes de ses chansons, il a rapidement la tentation de se transformer en "poète". Et souvent patatras, tout tombe ! Ce qui passait bien en musique, se révèle insipide, chiant comme un jour de pluie... C'est dans cet état d'esprit que je mis en tête de lire les (nombreux) livres d'Ossang. Et bien, surprise ! Non seulement le bonhomme a du talent, mais il manie les genres différents avec bonheur : le roman, les récits de voyage autobiographiques, et la poésie. On retrouve des accents céliniens marqués dans ses romans de voyage, que j'ai particulièrement apprécié. L'homme est tourmenté par la renaissance, le voyage et le fait de ne rien laisser derrière soi, toujours tourné vers l'avenir ! Et ce, malgré une culture, de nombreuses références, qui pour certains pourraient freiner le mouvement. Ce n'est absolument pas le cas ici, la mélancolie inhérente au voyage s'effaçant vite devant les perspectives à venir. Comme le dit si bien Cypris Kophidès, son éditrice pour le dernier opus Tasman Orient : « Avec ce texte rythmé, vertébré, strié de pluies ou engourdi de brumes, F.J. Ossang grave une façon d'être au monde. Électrique et Inspiré. » Si vous m'avez suivi jusque là, ce que j'espère, vous vous dites peut-être, « oui, bon, cet Ossang, il a fait des disques, il écrit, en quoi ça fait de lui l'original dont tu veux nous parler ? » C'est vrai que, de nos jours, avec un peu de moyens et beaucoup de démerde, on peut aussi sortir un disque ou un livre. Mais le cinéma... ça, mon bon Monsieur, ça demande tout de suite des moyens, connexions, réseaux, d'un cran au dessus, on ne joue plus dans la même division. Donc, notre ami Ossang a fait des films, deux courts et trois longs en attendant le quatrième (dont il bosse en ce moment le scénario) pour être précis. Et quels films ! Originaux, beaux sur le plan formel, avec une photographie à tomber par terre, aussi parfois obscurs, il n'en sont pas moins des OVNIS dans la production cinématographique franchouillarde. Des manifestes protopunks des débuts, les courts métrages et L'Affaire des Divisions Morituri, à Docteur Chance, son dernier (diffusé ce mois de juin sur Cinefaz), on est en présence de films qui marquent. Ne rien laisser derrière soi (entrevue avec M. Lovelace, 2001) | Introduction | Page 1 | Page 2 |
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