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Exposé
des faits
eudi
4 octobre 2001, l’émission littéraire Campus sur France 2,
animée par Guillaume Durand, reçoit entre autres Edwy Plenel pour
son livre Secrets de jeunesse, racontant son passé de militant
trostskiste. L’auteur, également directeur de la rédaction du Monde,
est brièvement interrogé, au cours de l’entretien, par Josyane Savigneau,
chef du service culture et rédactrice en chef du supplément Le
Monde des livres.
À
la remarque de Josyane, « J’ai été très touchée et très séduite
par ce livre. Je l’ai trouvé très courageux », suivie de
la question: « Qu’est-ce qui peut pousser quelqu’un avec une
position publique assez en vue comme vous à parler de ses « enfances »
comme vous dites (…) ? », Edwy ne peut contenir
son émotion. Au bord des larmes, il a du mal à poursuivre, s’interrompt
avant de conclure. « J’ai été très ému par ce qu’a dit Josyane ».
Aucun
des deux intervenants, pas plus que Guillaume Durand, ne juge bon
de rappeler clairement le lien unissant Josyane Savigneau à Edwy Plenel,
son patron, à l’exception d’un clin d’œil de l’interviewé : « Dans
la rédaction du Monde, Josyane le sait, il y a d’anciens lambertistes
(sous-groupe trotskiste, NDLR). ». C’est pourtant bien
le même homme qui déclara à des étudiants du CFJ au début de l’année
que tous les articles traitant d’ouvrages écrits par des journalistes
du Monde devaient, dans un souci de déontologie et d’indépendance,
être rédigés par des collaborateurs extérieurs à la rédaction.
Les
protagonistes de l’affaire ont essuyé par la suite quelques attaques ,
en particulier un encart dans Libération et des réactions virulentes
des bourdieusiens comme la revue Pour Lire Pas Lu, qui avait
décerné le mois d’avant « La laisse d’or du journaliste le plus
servile » à Josyane Savigneau. Et ne s’est pas privée de mentionner
l’affaire.
Un
tel cas pose la question de la promotion dans un journal, ou une émission
radiophonique ou télévisuelle, de livres écrits par des collaborateurs.
A-t-on le droit, déontologiquement parlant, de chroniquer l’ouvrage
de son voisin de bureau ? La pratique est répandue. Où se trouve
la limite entre copinage et nécessité du travail journalistique ?
Le changement de média peut-il modifier les règles fixées par les
rédactions ? Serge Halimi, dans Les nouveaux chiens de garde,
stigmatise cette pratique très française : « Aux États-Unis,
certains quotidiens « interdisent formellement » à leur
rédaction en chef de confier la critique d’un livre à quiconque connaît
l’auteur, ou a lui même écrit un ouvrage dont l’auteur aurait précédemment
rendu compte, ou entretient des liens étroits avec une personne souvent
citée dans le livre en question ».
Plusieurs
journaux s’en défendent, et édictent des règles strictes à ce sujet :
refus de chroniquer le livre d’un membre de la rédaction, traitement
par un critique extérieur, ou encore spécification des liens qui unissent
l’auteur au journal. D’autres composent.
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