Ceux qui composent
e directeur du service culture d’un
grand hebdomadaire : « Marier le talent d’écriture de la presse
française aux lois déontologiques anglo-saxonnes. »
Quelle
est la politique éditoriale de votre hebdomadaire lorsqu'un collaborateur
du journal publie un livre ?
Lorsque
j'ai pris la tête du service culture, le système était le suivant :
chaque collaborateur avait droit à un traitement de faveur, en général
une pleine page. Et de nombreux collaborateurs écrivaient des livres.
Quand je suis arrivé, j'ai pensé que ce genre de traitement préférentiel
ne pouvait plus continuer. Je suis contre le silence absolu. Je suis
encore plus contre les pleines pages pour nos amis : c'est un
espace pris à d'autres livres. J'ai trouvé une solution intermédiaire:
le service minimum. J’ai empêché en outre que quelqu’un ayant une
fonction dans l’édition puisse rendre compte d’un livre, ce que je
trouve scandaleux. Je n'ai jamais dérogé à cette loi, et ça n'a pas
toujours été facile à imposer. L'idée que je me fais c’est qu’un bon
livre se suffit à lui-même. Si un livre est bon, il fera parler de
lui quoi qu’il arrive. Le Figaro en parlera, Libération
aussi. De toute façon, le lecteur n’est pas dupe. Dans certains journaux,
on transforme des papiers de copinage en papiers prétendument objectifs.
Depuis que j’ai édicté cette loi, j’ai gagné un espace en plus pour
les autres livres. Au bénéfice des écrivains peu connus. D’ailleurs,
d’autres journaux se sont inspirés de ma formule.
Mais
c’est un vrai problème. Le Monde précise à chaque fois qu’il
publie un article sur le livre d’un collaborateur, qu’il s’agit bien
d’un collaborateur. Je trouve ça un peu excessif. Libération
passe le livre sous silence ; je trouve ça également excessif.
Télérama ne publie pas de critique mais des encarts publicitaires.
Je
suis pour les signalétiques. Toute occasion de rappeler au lecteur
qu’un livre est signé par un proche devrait être inscrite dans les
tables de la loi de ce métier. Trop souvent, les rédactions ont des
cercles proches d’amis, de collaborateurs ou de pseudo-collaborateurs,
et il faudrait signaler ce degré de proximité. Je suis très militant
de la transparence. En France, on ne l’est pas assez. La presse anglo-saxonne,
pourtant loin d’être parfaite, impose des lois drastiques. L’idéal
serait de marier le talent d’écriture de la presse française aux lois
déontologiques anglo-saxonnes.
Dans
l’émission Campus du 4 octobre 2001, Josyane Savigneau du Monde
interroge son patron Edwy Plenel. Quel est votre regard, à la fois
comme spectateur et comme professionnel ?
Je
suis resté estomaqué. Lorsque Josyane Savigneau, présentée comme rédactrice
en chef du Monde des livres, pose une question enamourée à
Edwy Plenel, présenté comme directeur de la rédaction du Monde,
il n’y a pas vraiment d’ambiguïté : c’est une situation à la
limite du sketch. Mon avis est qu’elle aurait dû se taire. Au fond,
on a été témoin d’une conversation privée qui aurait sa place dans
les bureaux du Monde, mais certainement pas à la télévision.
ean-Jacques
Brochier, rédacteur en chef du Magazine Littéraire : « Il
ne faut pas jouer les vierges effarouchées ».
Quelle
est la ligne déontologique du Magazine Littéraire lorsqu'un
collaborateur publie un ouvrage ?
Si
le livre d’un collaborateur nous plait, on en dit beaucoup de bien.
S’il ne nous plaît pas, on est beaucoup plus neutre, voire, on n’en
parle pas. Mais comme nous avons des collaborateurs talentueux... Mais
nous spécifions toujours qu’il s’agit d’un collaborateur.
Les
deux derniers ouvrages du rédacteur Gérard de Cortanze, que j’ai
trouvé admirables, ça ne me gêne pas de leur consacrer deux pages. Le
problème, c’est d’éviter de tomber dans la complaisance, et ça je
crois qu’on y arrive. Et ça rend les critiques plus crédibles .
Certains
de vos confrères se montrent plus stricts sur le sujet. Qu'en pensez-vous ?
Il
ne faut pas jouer les vierges effarouchées : ceux qui ont des
lignes « pures » comme Libération ou Télérama
s’arrangent pour parler autrement des livres de leurs collaborateurs .
Qu'avez-vous
pensé du Campus du 4 octobre ?
Ca
ne m'a pas choqué du tout. On change de système, de support, donc
on change de territoire. C'est un peu comme si Josyane avait interrogé
Edwy pour le Figaro .
hristian
Sauvage, chef du service Livres au Journal du Dimanche :
« Ni interdictions, ni obligations, ni règles. »
La
rédaction du Journal du Dimanche comprend des figures connues
du monde littéraire. Longtemps, Jorge Semprun ou Daniel Picouly y
ont écrit des chroniques ; aujourd’hui, Philippe Sollers y tient
son journal mensuel. Cela n’empêche pas le JDD de traiter de ses ouvrages .
Par quoi est motivée cette ligne ?
Il
semble difficile de ne pas évoquer du tout un livre qui a du succès.
Sollers fait partie des écrivains contemporains importants, donc,
quand il sort un livre, on va regarder ce qu’il a écrit, et on en
tient nos lecteurs informés. On en parle comme de n’importe quel livre,
généralement par le biais de nos collaborateurs habituels. Il n’y
a ni interdictions ni obligations, ni règles. Nous rappelons le plus
souvent l’appartenance de l’écrivain au journal, même si nos lecteurs,
de toute façon, le savent. Le type de relation qui s’instaure
entre un chroniqueur du journal et ses lecteurs est une raison supplémentaire
pour parler de son livre. Selon ce qu’on pense du livre en question,
on lui consacre plus ou moins de place, on le met en haut ou en bas
de la page, avec une photo ou non. Nous sommes autonomes. En
revanche, en tant que chef du service, il me paraît impossible d’écrire
un livre, tant que j’exercerai cette fonction
Certains
de vos confrères se montrent plus stricts sur le sujet. Qu'en pensez-vous ?
Certains
se réclament d’une pureté déontologique. N’empêche, quand la New
York Review of Books (prestigieuse revue littéraire américaine,
NDLR) a cherché en France un partenaire de son niveau en matière
d’indépendance, elle n’a trouvé personne.
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