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De droite ou de « gauche », chaque thuriféraire de
la police sait pouvoir compter sur l’axe que forment les médias
et les sondeurs colporteurs de peur. Dès août 1999, Jérôme Jaffré
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– que Philippe Seguin décrira plus tard, à juste titre,
comme « un fat, imbécile et prétentieux » (FIP),
« un copain de Colombani » (lire PLPL,
n° 5) – donna le ton : « Il y a une montée
de l’insécurité dans les priorités des Français. Au premier
semestre de cette année, plus d’un quart des interviewés cite
“la lutte contre la violence et la criminalité” comme problème
numéro un du pays, score jamais atteint depuis un quart de siècle.
Au début de 1995, seuls 6 % des Français plaçaient ce problème
en tête de leurs préoccupations. […] Le discours plus
ferme [du gouvernement de gauche] sur l’insécurité et
les peines infligées aux délinquants, même très jeunes, visent
à prendre en charge ces préoccupations. » (QVM,
15-16.08.99)
Le
FIP Jaffré aurait-il détecté cette « montée de l’insécurité
dans les priorités des Français » sans le fanatisme
doctrinaire des médias qui lui paient ses sondages ? Fanatisme,
le mot est encore faible quand des dessinateurs de presse assimilent
les délinquants à des « rats » qu’on doit « exterminer »
(voir ci-dessous l’un des ultimes croquis du grabataire Jacques
Faizant dans Le Figaro), ou lorsque le QVM sonne
l’« alerte » contre la « délinquance »
à coup d’affichettes dignes de la propagande « anti-terroriste »
du régime de Vichy.
Dénoncer
l’insécurité ou le terrorisme à coups de manchettes hurlantes
est aussi la spécialité du quotidien Le Parisien. La
politique éditoriale de ce torchon consiste en effet à décliner
la thématique de l’insécurité sur tous les tons. PLPL
a conservé les « unes » de ce journal (lire
page 12 de ce numéro) qui, avec son édition nationale
Aujourd’hui, endoctrine deux millions de lecteurs.
Dès
le 3 janvier 2001, Le Parisien prévient en « une » :
« Trains de banlieue : l’insécurité monte »
Un mois plus tard, c’est « Violence des enfants :
les parents débordés ». (03.02.01) Le 25 février, l’édition
dominicale dévoile « Les vraies raisons de la guerre
des bandes ». Une semaine passe et « La violence
est entrée à l’hôpital ». (02.03.01) Puis vient le
tour des médecins : « Banlieue : le SOS des
médecins », l’interview d’une commerçante « agressée
56 fois dans sa pharmacie ». À partir de juillet, le
terrorisme sécuritaire devient quasi quotidien. Le 7, on annonce
une « Montée de la violence dans les trains grande ligne »
– au retour des vacances, ce sera : « Trains.
Comment voyager en sécurité ». (31.08.01) Au plus fort
de cette vague, Le Parisien titrait : « Banlieues.
Les pompiers ont peur ». (17.07.01)
Début
septembre, un individu tire sur la police à coups de bazooka.
La télévision embraye avec de nouvelles idées. Du 4 au 6 septembre,
les journaux de France 2 et de TF1 enchaînent des sujets sur
les armes dans les cités, l’islam dans les banlieues, la menace
terroriste (déjà !). « De la ville à l’école, l’insécurité
est devenue le principal sujet de préoccupation »,
coassait Daniel Bilalian. (France 2-13 heures, 06.09.01) N’est-il
pas temps pour le FIP Jaffré de sonder à nouveau quelques drogués
des médias chauffés à blanc ? La lutte contre l’insécurité
est, assurément, leur première priorité…
Le
monde enchanté de la délinquance patronale
Pittbulls,
bandes de délinquants, « tournantes » dans les caves,
couvre-feux, violences urbaines, bandes de filles, palmarès
des « cités interdites », convoyage d’euros dans les
quartiers chauds, incivilités, chiffres de la l’insécurité,
héroïsme de la police, délinquance en vacance, fondamentalisme
musulman… les thèmes retenus par les journalistes au prétexte
d’informer sur « l’insécurité » suggèrent que les
quartiers populaires seraient aussi mal famés que des bagnes.
Et que ces « jeunes » représentés avec un bandeau
noir sur les yeux ou le visage « mosaïqué » auraient
davantage leur place devant un échafaud qu’au pied des tours.
Les médias que détiennent des milliardaires se plaisent à criminaliser
les pauvres.
« Il
faut maintenant tourner une page », plaide Nicolas
Sarkozy dans Le Point (31.08.01). Mais ce n’est pas le
sort des habitants des quartiers pauvres qui préoccupe le petit
traître balladurien (PTB), maire de Neuilly. C’est le destin
de ses amis patrons. Sarkozy est indigné : « La
moitié des chefs d’entreprises du CAC 40 a été mise en examen. »
De fait, au cours du seul mois de juin dernier, Claude Bébéar,
patron d’Axa, a été mis en examen pour « blanchiment
de capitaux aggravé » et Alain Gomez, ancien patron
de Thomson, inculpé de « complicité de tentative d’extorsion
de fonds, abus de biens sociaux et recel ».
PLPL,
qu’aucun préjugé n’encombre, s’est demandé si les médias (qui
mentent) traitent sur le même registre nauséeux les turpitudes
patronales et les quartiers populaires. Le 21 octobre 2000,
Le Point (propriété de Pinault) publiait un dossier sur
Jean-Luc Lagardère, patron de Matra-Hachette. Pour évoquer la
manière dont ses missiles sèment la mort ? Pas tout à fait.
Les journalistes avaient préféré consacrer six pages à la « passion »
des chevaux qui, selon eux, consumait le marchand de canons 4 .
Plus agressif, Le Figaro Magazine a enquêté sur la « passion »
musicale « secrète » de trois exploiteurs : Bernard
Arnault (LVMH), Jean-Marie Messier (Vivendi) et Michel Pébereau
(BNP-Paribas) 5.
Patron-passion, patron-pianiste, patron-artiste, l’image fut
jugée à ce point délicieuse que Les Échos consacrèrent
à leur tour deux pages aux goûts musicaux de Bernard Arnault
(12-13.01.01). Serge July-Crassus, patron de l’Écho des start-up
(ex-Libération), ordonna sur le champ à ses commis de
rédiger un article dont il aurait choisi le titre : « Ces
entreprises où l’on dit “Merci patron” ». (ESU,
28.12.00)
Aux
profiteurs, qui sont leurs propriétaires, les médias servent
des compliments plein d’aromates. Du peuple, ils imposent l’image
d’un ramassis de fripouilles. Les médias mentent.
Incivilités
médiatiques
La
poigne et la cogne qui alimentent les programmes des médias
protègent également les journalistes de la haine croissante
qu’ils inspirent. Canal+ (Vivendi) vient ainsi de recruter pour
« directeur des moyens généraux » un certain
Gilles Kaehlin. Cet ancien barbouze de Mitterrand a participé
à l’arrestation des membres d’Action directe, « lors
d’une opération hasardeuse qui a failli très mal tourner ».
Puis, devenu « chef de la police de l’air et des frontières
de l’île de Saint-Martin, il dut s’enfuir après que deux cents
personnes eurent saccagé le commissariat local pour protester
contre l’expulsion massive d’étrangers en situation irrégulière ».
(Le Point, 17.08.01) Karl Zéro, employé de Canal+, devrait
enquêter…
TF1
n’est pas en reste. Relatant une conférence de presse de la
chaîne Bouygues du 29 août 2001, Le Journal du dimanche
écrivait : « On se serait cru au G8 avant la bastonnade,
avec service d’ordre recruté dans l’amicale des paras :
cheveux ras, mâchoires serrées, oreillette en sautoir. »
(02.09.01)
« Sécuriser »,
ce mot d’ordre est désormais celui des dirigeants du journal
Le Monde qui, de plus en plus, redoutent une occupation
de leurs locaux (21 bis, rue Claude-Bernard, 75006 Paris) par
des militants anticapitalistes. Instruits par PLPL, ces
derniers ont en effet compris que, au nombre des cibles de la
guerre idéologique, le sigle QVM devait rejoindre OMC,
USA et FMI.
La
suite
4.
À cette occasion, Jean-Luc Lagardère (à qui Jospin et Strauss-Kahn
ont bradé Aérospatiale) explique : « Quand je veux
comprendre un homme, je l’observe comme un cheval. »
5. Le Figaro-magazine,
« Piano. Trois grands patrons donnent le la » (03.06.00).
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