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Les
pyromanes de l’insécurité
« Insécurité »
sur tous les fronts. « Une véritable scène de guerre urbaine »,
« La nouvelle guerre » : le premier titre (France
Inter) renvoie à un tir de bazooka à Béziers, le second (Le
Figaro) à une double frappe chirurgicale à New York. Les
sujets changent, le matraquage demeure. Après la pensée unique
– l’économie, c’est le marché –, la presse découvre
la déclinaison unique : l’« insécurité » quel
que soit le sujet.
En
1997, le gouvernement Jospin choisissait de masquer son libéralisme
économique par l’interventionnisme policier. Privatisations
d’un côté, Vigipirate de l’autre. Quatre ans plus tard, au moment
d’expirer, englouti sous un amas de barbe molle, le parti communiste
vend L’Humanité à Matra-Hachette et se déclare « solidaire »
des maîtres du Pentagone.
Le
parti de la presse et de l’argent (PPA) ne se contente plus
de relater les croisades sécuritaires. Il les mène en première
ligne, tambour battant. Robert Solé, médiateur du Quotidien
vespéral des marchés, fait le paon : « La rédaction
du Monde a décrété la mobilisation générale. »
(QVM, 16-17.9.01)
Elle
n’est pas la seule.
Sur France Inter, le 6 septembre dernier, un auditeur excédé
par l’endoctrinement sécuritaire interpellait un journaliste
galonné : « Moi je me dis que si demain il y avait
la même médiatisation sur l’écart grandissant entre les rémunérations
des salaires et du capital, dans les sondages les Français diraient
que le problème numéro un c’est l’augmentation des salaires. »
On lui coupa la parole. Pour la donner à un commissaire de police.
Depuis, cet auditeur a rejoint les camps d’entraînement de PLPL.
Et ce qu’il n’a pas pu dire, c’est ce qui suit…
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Quand
les médias (qui mentent) ont oublié, PLPL se souvient.
C’était il y a dix-sept ans. Le 29 octobre 1984, Jean-Pierre
Destrade, porte-parole d’un parti socialiste dont Lionel Jospin
est alors le premier secrétaire, donne de la voix : «
Il est urgent que le gouvernement s’engage plus résolument dans
le combat contre l’insécurité. » Destrade exige davantage
de « fermeté », « des peines incompressibles
pour certains criminels, une réduction encore plus notable du
nombre de permissions de sortir et des libérations conditionnelles »,
sans oublier « un plan d’équipement de la police »
(QVM, 01.11.84). Le président de la Ligue des droits
de l’homme s’avoue « consterné » : « Ces
déclarations sont imprégnées de l’idéologie sécuritaire la plus
réactionnaire. Il est stupéfiant de voir les théories de l’extrême
droite reprises en compte par une certaine gauche. »
Nul
ne serait stupéfié aujourd’hui… Demandeur de « peines
incompressibles pour certains criminels », Jean-Pierre
Destrade peut se féliciter de n’avoir pas été tout à fait entendu
à l’époque. Car, grâce au « laxisme » judiciaire ambiant,
il n’eut pas eu à purger l’intégralité de sa peine de prison…
Il est vrai qu’il avait eu l’habileté de voler un bœuf plutôt
qu’un œuf, s’engraissant personnellement grâce aux énormes dessous-de-table
versés au parti socialiste par des hypermarchés.
Parce
qu’ils ont pris place dans une croisade sécuritaire et guerrière
nauséabonde, les médias (qui mentent) au service des patrons
(qui plastronnent) s’abstiennent d’évoquer ce genre de souvenirs.
Pourtant, on le sait à présent, la plupart de ceux qui, moustache
au clair, ont glapi en faveur de la loi et l’ordre se sont révélés
être des fripouilles. Tel ancien maire de Nice, proche du Front
national, ne cessait de réclamer davantage de police et de poigne…
jusqu’au jour où les tribunaux l’ont contraint à aller dépenser
en Uruguay les sommes extorquées à ses administrés. Tel autre
champion de la « lutte contre l’insécurité », réélu
maire RPR d’une ville détenant le record de caméras de surveillance
au centimètre carré, restera célèbre pour avoir tout à la fois
utilisé des employés municipaux à titre de domestiques personnels
et contraint, pistolet au poing, une malheureuse à lui faire
une fellation. Tel ancien ministre de la Justice, théoricien
sécuritaire du RPR dans les années 1980, a fini mis en examen,
le 30 août dernier, pour « recel d’abus de biens sociaux ».
Gauche
plurielle :
de Robert Hue à Robert Pandraud
Lionel
Jospin a récemment distingué Robert Pandraud, député RPR de
Seine-Saint-Denis, en lui confiant une mission de réflexion
destinée à « élaborer un nouvel instrument statistique
de l’insécurité. » Dans Le Point du 13 juillet
2001, Pandraud fut aussitôt décrété « en forme ».
PLPL rappelle les états de service du nouveau conseiller
de Jospin : c’est au moment où Pandraud était ministre
délégué chargé de la Sécurité dans le gouvernement Chirac que
furent renforcés les pouvoirs de la police sous couvert de lutte
contre le « terrorisme » ; qu’on utilisa
massivement les camps de rétention, créés par la gauche, pour
regrouper les étrangers en instance de reconduite à la frontière ; qu’une
réforme du code de la nationalité permit de trier plus facilement
ceux qui « méritaient » d’être Français ; que
furent institués le système des repentis et la pratique de la
délation rémunérée ; qu’on revint de fait à une juridiction
politique d’exception, laquelle s’« illustra » à l’occasion
du procès d’Action directe 1.
Et
PLPL n’oublie pas non plus qu’en décembre 1986, quinze
ans avant les exploits de la police italienne à Gênes, Malik
Oussekine fut matraqué à mort par une brigade de voltigeurs
français galvanisés par les discours de Pandraud. Est-ce un
tel bilan qui lui a valu d’être promu statisticien de l’insécurité
par le gouvernement de la gauche plurielle, communistes et écologistes
compris ?
Non,
car il fut jugé insuffisant. Actuel porte-parole du parti socialiste,
Vincent Peillon a ainsi reproché aux « braillards de
la droite qui veulent exploiter le sentiment d’insécurité »
de n’avoir « rien fait quand ils étaient au pouvoir ».
(QVM, 05-06.08.01) Quelques jours plus tôt, au moment
de l’assassinat du militant anticapitaliste Carlo Giuliani à
Gênes, le petit braillard Peillon feignait pourtant l’indignation
et dénonçait la « prise en otage » des manifestants
de Gênes par « une police à la stratégie pour le moins
douteuse ». Et il pleurnichait : « Nous
aurions dû être à Gênes parce que les valeurs que défendent
ces manifestants sont les nôtres. […] Les socialistes
ne seront plus absents. » (Le Nouvel Observateur,
25.07.01)
En
somme, ils tirent et ils pleurent. À moins que ce ne soit l’inverse.
Les socialistes et leurs alliés s’apitoient sur un manifestant
tué par la police puis ils arment la police qui tuera les manifestants.
Le
dictateur de l’hebdomadaire Marianne, Jean-François Kahn,
n’a pas tous ces scrupules. Aussi favorable à la répression
chez Berlusconi que dans les banlieues françaises, il siffle
de rage : « Les méthodes débiles des anarcho-casseurs,
si privilégiées par les médias [sic], et que la gauche
bourgeoise n’a pas hésité à caresser dans le sens du poil [re-sic],
sont répugnantes. Elles le sont à Gênes, mais aussi dans nos
cités. » Les lecteurs de PLPL comprendront à
quel point les médias « privilégient » la contestation
radicale quand ils sauront que : « La tactique
des Black-Blocks, c’est “mords et fuis”. 2 »
Fuir ? Comment y parvenir dans une Europe qui se construit
chaque jour un peu plus autour de la police et de l’argent (euro),
de la police pour protéger les détenteurs d’argent ? Otto
Schily, ministre allemand de l’Intérieur, a proposé la création
d’une « police anti-émeute européenne. » Si
demain elle intervient dans « nos cités », Jean-François
Kahn s’avouera comblé…
Interrogé
le 28 août 2001 sur TF1, le Premier ministre Lionel Jospin avait
rappelé le sens de la « lutte collective »
menée depuis 1997 : « gagner la bataille de l’insécurité. »
Il y a deux ans, l’ancien ministre Pierre Pasquini et le député
UDF Arthur Paecht jalousaient déjà la surenchère policière de
l’axe socialo-citoyenno-vert-huiste et interrogeaient :
« Croit-on qu’il faille, sans réagir, laisser la gauche
être sécuritaire à notre place ? » (Le Figaro,
26.01.99) François Goulard, secrétaire politique de Démocratie
libérale (DL, madeliniste) cherchait à les rassurer : « Nous
pouvons encore attaquer le gouvernement sur le problème de l’insécurité. »
(L’Express, 01.06.00) Le petit traître balladurien Nicolas
Sarkozy leur fit écho quelques mois plus tard : « La
prison doit être un élément majeur de notre politique de sécurité. »
(Le Point, 31.08.01)
La
suite
1.
Lire Jean-Paul
Jean, « Le libéralisme autoritaire », Le Monde
diplomatique, octobre 1987.
2. « Les
casseurs du G8. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Jusqu’où
iront-ils ? », Le Figaro-magazine, 28 juillet
2001.
3. Alors directeur
d’un obscur institut de sondage raminagrobique, le Cecop.
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