Numéro 6

  
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Leurs crânes sont des tambours...

Le journal qui mord et fuit...  

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Sommaire

   
 Les médias c'est la guerre ! ouverture du dossier

 La laisse d'or : Josyanne Savigneau

 Pour relire pas relu : A. Adler

 Faire un président à l'américaine

  PLPL rééduque la presse : « 11 septembre »

 Les Sardons parlent aux Sardons

 Dossier : Les pyromanes de l’insécurité

PLPL vous offre un matraquage

 Affiche PLPL

 Brèves moustachues

 Europropagande

 Les MédiAttac

 Document PLPL :
Décryptage d’un sondage du Monde (qui ment)

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L’AUTRE GUERRE DES MÉDIAS

 

   
En attendant, Edwy Plenel, directeur de la rédaction du quotidien pro-américain, a lancé ses limiers sur la piste de la peur, c’est-à-dire dans « les trains qui relient la banlieue à Paris ». Évoquant une bagarre entre jeunes, Le Quotidien vespéral des marchés citait goulûment un certain « Manu », qui expliquait : « S’il n’y avait pas eu les CRS, y aurait pu avoir des morts. » (Le Monde 2, 03.01, p. 94-97 6) Les chemins de fer, c’est la guerre ; la police, c’est la vie 7. Quelques semaines après cette percutante analyse du Monde et de « Manu » (militari), Carlo Giuliani mourait à Gênes. Il n’avait pas pris le train mais rencontré des policiers italiens.

Pour gagner la guerre du racolage, remplir d’euros ses caisses exsangues et réussir son introduction en Bourse, Le Monde devait en faire davantage. En août dernier, des milliers de vendeurs de journaux se virent offrir par les services du QVM des affichettes publicitaires « Délinquance : Alerte ! » (voir p. 4). À l’égal des marchés, la propagande policière dispose ainsi désormais de son quotidien vespéral. Et sur ce nouveau front choisi par le Roi du téléachat Edwy Plenel, ce fut l’avalanche. Le 2 août, Le Monde faisait sa « une » sur « Délinquance : les chiffres qui inquiètent ». Un des articles, titré « Week-end de violences ordinaires dans la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne », ressemblait à un libelle de France Soir mâtiné de National Hebdo : « Le samedi, à 7 heures, un homme a été agressé à son domicile, à Vaujours. Après l’avoir ligoté, ses trois agresseurs lui ont dérobé son téléphone mobile et une somme de 13 000 francs. Quatre heures plus tard, un chauffeur qui rentrait chez lui a été attaqué à Saint-Ouen. Sous la menace d’une arme, il a dû vider son portefeuille, qui ne contenait que 350 francs. À 14 heures 30, des violences avec arme ont été signalées à Bagnolet. »

Un éditorial moustachu complétait le propos : « On doit constater que l’insécurité des citoyens s’accroît et que les craintes, voire les angoisses, dont beaucoup d’entre eux se font l’écho, sont en grande partie justifiées. C’est sans doute le principal échec de la gauche, qui a tardé à prendre conscience de cette situation et qui ne s’est pas donné, en temps voulu, les moyens d’y faire face. 8 » La police italienne s’était, elle, donné les moyens de « faire face ». Tout en versant quelques larmes de crocodile sur le corps du manifestant assassiné, Le Monde avait stigmatisé en priorité « une minorité d’anarchistes formée en commandos de casseurs ». Quant aux tueurs et aux matraqueurs, ils étaient tout juste coupables de « bavures dans l’organisation de la sécurité ». Le QVM les avait absous : « On peut comprendre que, à Gênes comme à Göteborg, des policiers cernés par des manifestants déchaînés aient pris peur au point d’utiliser leurs armes. 9 »

 

Georges Frèche, de Mao à Mussolini

C’était quelques jours après l’assassinat d’un manifestant anticapitaliste par la police italienne. Lors des Rencontres de Pétrarque organisées par Le Monde et France Culture – deux médias fascinés par la police 1 – Georges Frèche, maire « socialiste » de Montpellier et ancien militant maoïste, s’emporte et vocifère :

— Je regardais la pancarte qui était là tout à l’heure : « Policiers assassins ! » Je ne suis pas d’accord ! Les policiers sont des êtres humains ! Le policier qui a tiré à Gênes a eu peur. Il a tiré parce que les policiers, la nuit, dans les rues… C’est pour ça que je défends la police. Le mot « police », ça vient du grec polis qui veut dire « ville ». Une ville c’est l’endroit où il y a la sécurité. Sans police, il ne peut pas y avoir de sécurité. Et sans sécurité, il ne peut pas y avoir de démocratie. S’attaquer à la police en général, c’est une forme de racisme. […] Un jeune est tué par un policier qui a peur. Et y a des tartines dans le journal. Et moi, j’ai un de mes amis dont le fils est gendarme, il a été abattu par un jeune d’une balle dans la tête. Mais ça n’a fait que trois lignes dans la presse ! Ce n’était qu’un gendarme ! Il ne faisait que son travail ! Il était bon à tuer ! Le public de notables socialistes et de profs de philo ratés fit à l’auteur de cette harangue un triomphe digne de Mussolini 2. Les glapissements de Georges Frèche furent promptement diffusés par France « Culture »…

1. Le journaliste du Monde chargé des questions de sécurité, Pascal Ceaux, est un ancien élève de l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure, une officine du ministère de l’Intérieur qui se consacre à « forger l’esprit de sécurité intérieure » chez des chercheurs, des juges, des journalistes et des patrons. Quant à France Culture, ses émissions du dimanche matin ressemblent à un forum du délire sécuritaire (lire PLPL, n° 4).
2. Les habitants de Montpellier ne cessent d’évoquer la mégalomanie de Frèche et ses goûts architecturaux très proches de ceux du dictateur fasciste italien.

Dans les médias (qui mentent), la mansuétude pour la police, y compris quand elle tue, devient routine. Dès le 1er février dernier, Jacques Julliard faisait l’éloge dans Le Nouvel Observateur des méthodes pratiquées aux États-Unis : « Ce que les Américains appellent “tolérance zéro” n’est pas autre chose que la volonté de faire respecter et d’appliquer la loi dans son intégralité. » L’ambassadeur des États-Unis en France avait détaillé quelques mois plus tôt le fonctionnement de cette « tolérance zéro » qui séduit Julliard et ses amis socialistes : « On vous arrête aussi bien pour avoir utilisé le métro sans titre de transport que pour avoir vendu de la marijuana à la porte d’une école. […] Aucune circonstance atténuante. […] On met en prison les contrevenants puis on les interroge, l’idée étant que les petites délinquances conduisent, tôt ou tard, aux grandes. » (Le Figaro Magazine, 09.05.98) Une telle philosophie du « qui vole un œuf vole un bœuf » a permis aux États-Unis de pulvériser des records d’incarcération (près de 2 millions de détenus !). Elle ne pouvait manquer de fasciner Laurent Joffrin-Mouchard, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur. Toujours aussi menteur, Mouchard expliqua : « Le point faible du bilan de la gauche, c’est bien l’insécurité. […] La gauche a échoué sur un point décisif : l’usage efficace de l’administration policière. […] Voilà sans doute, dans la campagne qui s’annonce, le vrai talon d’Achille de la majorité. Ou le talon de Lionel… » (Nouvel Observateur, 19.07.01) Effaré par la sottise de ce jeu de mot final, Julliard dut reprendre la plume pour « théoriser » le problème. Il avoua enfin que la liberté de licencier et de placer ses capitaux avait pour corollaire nécessaire un boom des commissariats et des prisons. C’était là, selon lui, « le paradoxe du monde moderne : plus une société se libère des contraintes et des contrôles sociaux, ce qui est en soi une bonne chose, plus elle a besoin de flics pour subsister. Les sociétés de demain seront libertaro-policières ». (Le Nouvel Observateur, 09.08.01).

Un tel avenir radieux illumine aussi l’hebdomadaire « contestataire » Politis. Un éditorial titré « Questions de sécurité » (19.07.01) a estimé : « D’un point de vue de gauche, Jacques Chirac a parfaitement raison. Le saviez-vous ? Un quart des habitants de l’Île-de-France ont eu leur auto cambriolée en trois ans. Et 10 % leur appartement. […] Il est grand temps pour les intellectuels de gauche et leurs médias [sic] de reconnaître qu’il y a là un très grave problème. »

Chacun était prêt pour « La guerre ».

 

L’insécurité, première préoccupation des journalistes

Le 17 avril 2001, Gérard Leclerc, Françoise Laborde et Olivier Mazerolle, journalistes de France 2, recevaient Lionel Jospin.

Gérard Leclerc : Le gouvernement a défini six axes de lutte contre la violence, notamment en ce qui concerne la délinquance des jeunes avec la lutte contre les bandes, avec les centres de placement immédiats. Mais beaucoup voient là-dedans surtout des demi-mesures. Pourquoi ne pas aller au bout de la logique et pourquoi ne pas revenir sur la fameuse ordonnance de 1945, ce qui permettrait par exemple d’abaisser l’âge de la majorité pénale à 13 ans, voire en dessous, de recourir davantage à des unités pénitentiaires pour les mineurs ? […] On a le sentiment 1 que les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus ceux de 1945 […] pourquoi vous n’en tirez pas les conséquences. […]

Jospin (défensif) : Le gouvernement que je conduis a quand même tout à fait rompu avec, je dirais, une conception un petit peu angélique des problèmes. […]

Olivier Mazerolle : Les Français ne semblent pas convaincus 2 : ils ont retenu la loi sur la présomption d’innocence. Et ils disent : « Mais tous ces petits délits pour lesquels d’ailleurs les plaintes ne sont même pas toujours enregistrées par la police, ils ne sont pas punis, ils ne sont pas sanctionnés. 3 » Alors, d’un côté, présomption d’innocence, bravo pour les droits de l’homme (narquois). Mais où est la sanction (menaçant) ?

Gérard Leclerc : Pourquoi ne pas aller par exemple jusqu’à la tolérance zéro ? Des plans, des mesures, il y en a depuis des années. Et on voit que l’an dernier encore la délinquance a progressé de 5 %. Pourquoi ne pas dire, carrément : la tolérance zéro ?

Le 14 juillet 2001, Patrick Poivre-d’Arvor, Béatrice Schönberg et Élise Lucet interrogent Jacques Chirac, cerné par la justice.

Les premiers mots de la toute première question posée par Béatrice Schönberg (France 2) sont :
— Nous vous interrogerons sur toutes les questions que les Français se posent, l’insécurité…
Puis Élise Lucet (France 3) :
— Nous allons aborder la question de l’insécurité. C’est le sujet de préoccupation numéro un des Français 4.
L’entretien consacre plus de quinze minutes au sujet. Même Chirac s’en lasse :
— On parle d’insécurité et on ne va pas parler indéfiniment de ce sujet.

Le 28 août 2001, Patrick Poivre d’Arvor interroge Lionel Jospin sur TF1.

La chaîne Bouygues, dont le propriétaire a été mis en examen en 1995 pour abus de biens sociaux, est dirigée par Patrick Le Lay, mis en garde à vue en 1995 dans une affaire de pot-de-vin. Quant au présentateur, il a été condamné pour complicité de recel d’abus de biens sociaux.
PPDA : Puisqu’on parle d’insécurité, nous avons été parmi les premiers à donner le chiffre d’une augmentation de près de 10 % de la délinquance au premier semestre. Les autorités avaient nié ; or, c’est le chiffre officiel aujourd’hui. On est loin du « sentiment d’insécurité », idée d’extrême-droite. C’est quelque chose qui existe ! (Il hurle.) Pouvez-vous avoir des moyens supplémentaires pour rassurer les Français, qui sont légitimement inquiets, ainsi qu’on le constate dans les études d’opinion ?

1. Qui est « on » ? • 2. Les Français ou Mazerolle ? 3. Mazerolle, voix de la France ? • 4. Et d’Élise Lucet ?
   

Marianne, 5-11/02/2001

6. Le Monde 2 est le supplément de photos racoleuses et vulgaires publié par le QVM en collaboration avec Paris Match et destiné à concurrencer Entrevue sur le marché juteux des jeunes cadres célibataires en rut.
7. Ce sujet de l’insécurité dans les trains avait déjà été longuement traité par Claire Chazal dans son journal de TF1. Edwy Plenel, Roi du téléachat sur LCI et directeur de la rédaction du Monde, est également un employé du groupe TF1 (dont LCI est une filiale à 100 %).
8. Éditorial « La gauche et la sécurité » (QVM, 02.08.01). Le médiateur docile du QVM a expliqué : « L’absence de signature indique que l’éditorial engage le journal. » (QVM, 26-27.08.01)
9. Éditorial « Mort à Gênes » (QVM, 22.07.01).
   

 
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